L'Etape du Tour Mondovélo Acte II - Issoire / Saint Flour - Dimanche 17 juillet 2011
Dernière étape de notre semaine cyclosportive de début juillet, après l'Edt1 et l'Arvan Villards.
J'attendais ce rendez-vous avec impatience. La proximité de la ville départ, les paysages traversés, l'ascencion du Puy Mary par un versant inédit pour moi, la fin du parcours empruntant l'itinéraire de la San Floraine, les difficultés proposées à l'enthousiasme des cohortes cyclosportives qui étaient davantage dans mes cordes que celles de l'Edt1. - bref que des arguments qui plaidaient en faveur de cette Etape du Tour sur les terres auvergnates.
Sans compter l'attrait tout puissant de la nostalgie : ma première cyclosportive avait été l'Etape du tour Saint Galmier-Saint Flour, en 1999. Attention : va suivre un retour en arrière alors que nous sommes déjà dans un retour en arrière, que voulez-vous j'aime m'adonner au procédé narratif de l'enchassement. Mise en abyme, mise en résonnances. Lecteur pressé, passe ton chemin, car je ne t'épargnerai rien !
A l'époque, j'étais une cyclotouriste quasi débutante et ce sont deux amis, André et Jean Claude, qui m'avaient décidée à m'inscrire. Mon club FFCT d'alors, le DH Vichy, avait bien fait les choses : Claude s'était dévoué pour faire notre chauffeur, un mini bus avait été loué, une remorque vélos attelée et nous étions partis une bonne dizaine avant l'aube. J'avais posé mes conditions : ok pour tenter le coup, mais je partirai la dernière ! Rien que l'idée de m'élancer au milieu de tous ces cyclistes me faisait peur. Heureusement, je n'avais pas réalisé que les cyclistes en question n'avaient pas grand chose à voir avec les pratiquants cyclotouristes avec qui je roulais sur les routes des rallyes locaux ! Ah la naïveté (ou l'inconscience ou la méconnaissance) est souvent nécessaire à l'entreprise de 'grandes choses' !! André et Jean Claude avaient donc pris grand soin de m'encadrer à l'arrière du peloton lors de ce départ de Saint Galmier. Mais, bien fol qui s'y fie (aux femmes !), me sentant de mieux en mieux au fil des kilomètres et des montées (ah j'étais beaucoup plus jeune à l'époque !), j'avais ensuite trahi mes deux fidèles compagnons et les avais abandonnés pour suivre les roues de quelques fringants cyclosportifs qui s'étaient trouvés de passer à notre hauteur. Bref, cette première expérience fut décisive. La montée finale de Saint Flour suivie de mon passage sous l'arche d'arrivée sont des souvenirs fondateurs de ma mythologie cyclosportive très personnelle ! D'autant plus que j'en suis redevable à Jean Claude, ami perdu depuis - il a été tué par un chauffard inconscient lors d'une sortie club sur les routes de l'Allier. Souvent, lorsque je suis en course, au plus fort des pentes, au plus haut de mes fréquences cardiaques, mes pensées vont vers lui, et je songe à ma chance d'être là où je suis. Jean Claude est l'une de mes ombres tutélaires. Et ce retour de l'EdT à Saint Flour était un peu, à mes yeux, l'occasion de lui rendre un hommage muet. Mais la météo en a décidé autrement !
Retour en avant - flash forward! 16 juillet
Nous voici à Issoire, au village Mondovélo, André (mon André !), Thierry alias Titi, et moi ce 16 juillet. Après qu'André ait récupéré Titi à St Flour, où le Berlingo fut laissé, et que tous deux aient fait le trajet jusqu'à Issoire, où ils m'ont retrouvée au camping municipal, envahi de cyclosportifs seuls ou en famille ou en club. Everything is perfect, le soleil est présent, la température est agréable.
En chemin pour Issoire, au-dessus du beau village de Montpeyroux, j'ai été éblouie par le jaune des champs de tournesols . Au loin les monts du Cantal, destination de notre périple cycliste du lendemain.
La Patrouille Ecocyclo est une fois de plus au rendez-vous, nous sommes tous contents de nous retrouver pour l' Acte II de l' Etape du Tour. Les acteurs, encore dans les coulisses, se préparent !
17 juillet : le lendemain matin, changement de décor impromptu et intempestif ! Le jaune des tournesols a viré à celui des blousons anti-pluie, et l'horizon ne recèle plus rien d'autre que grisaille, brumes de pluie. Le sol est détrempé. Et nous essuyons une solide averse au sortir du terrain de camping. Je prends place dans mon sas, je n'ai plus que les chaussures qui soient à peu près sèches. Optimiste à tous crins, je n'ai pas imité André qui, prévoyant, a fait l'emplette d'un bon vêtement de pluie la veille. Las ! Mon vieux 'jaune' m'abrite à peine du vent, alors la pluie, tu penses ! La colonne avance enfin, nous allons pouvoir nous réchauffer !
Partie dans le sas 4, je réussis après quelques kilomètres à intégrer un peloton à mon rythme et nous passons St Germain Lembron, les toboggans qui s'ensuivent, Lempdes et nous nous engageons dans la vallée de l'Allagnon à allure respectable. Vent et pluie, projections d'eau, humidité ont agrémenté ces premiers kilomètres. Bien sûr, je suis trempée des pieds à la tête mais il m'a fallu batailler ferme pour garder le contact lors des coups de cul dans les toboggans, et je n'ai pas froid. Je suis inquiète car mon bras droit est ankylosé et je n'ai plus de sensibilité dans la main droite, j'ai même failli aller au tas lorsque ma main a ripé sur mon ceintre alors que j'étais en danseuse (encore pardon à ceux qui me suivaient !) . André me dépasse, il est revenu avec un bon groupe de derrière. Nous formons maintenant un gros peloton où il fait bon être et les jambes tournent bien mais je viens de prendre ma décision, je ferai demi-tour à Massiac, revenir sur Issoire ne sera pas un problème une fois le flot cyclosportif écoulé et surtout je ne veux pas battre la campagne à la recherche d'une solution pour rallier St Flour ou Issoire. Je sais trop bien que je n'ai pas l'équipement nécessaire pour pouvoir effectuer la descente du Puy Mary en toute sécurité et le coup de semonce reçu a plus qu'ébranler ma détermination - je sais par expérience qu'il faut savoir obtempérer devant certains signaux d'alarme, passer outre relève de l'inconscience.....ma dernière chute, exemple parfait de mon manque de sagesse récurrent, date de mars seulement ! D'ailleurs, l'insensibilité dont je souffre côté droit, lorsqu'il fait froid ou humide, en est une des séquelles. Je file au-devant du groupe pour avertir André de ma décision puis reprends ma place 'au chaud'.
A quelques kilomètres de Massiac, quelqu'un crie mon prénom ! Je venais juste d'entr'apercevoir le nom du village de 'Blesle' sur un panneau indicateur....pétard, mais ce doit être Michel ! Une seconde plus tard, je suis sur le bord de la route, à l'arrêt. Rideau ! Fin de l'acte II en ce qui me concerne ! Et aucun regret à quitter la scène, bien au contraire ! D'actrice, je suis devenue spectatrice enthousiaste aux côtés de Michel, Brigitte, Sophie et Sergio qui m'emmitouflèrent dans des polaires et couvertures dès qu'ils comprirent que je n'avais pas l'intention de les saluer mais bien d'abandonner ! Nous sommes restés au Basbory de Blesle plus d'une heure trente encore à héler et encourager ces milliers de braves qui bientôt allaient affronter les bourrasques et intempéries du plateau d'Allanches - impressionnant ! Que de portraits pourraient être faits ! Visages fermés, bouclés sur eux-mêmes où se lisait une farouche détermination. Visages souriants, irréels, imperméables. Visages impassibles. Visages inquiets, incrédules, boudeurs parfois. A les voir défiler, l'on sentait bien que tous étaient tendus vers la suite du voyage. Michel et Bribri ont emmagasiné les clichés de cette armée en marche !
Parade qui s'est conclue par l'arrêt d'un semi-remorque et de 2 bus à notre hauteur, un homme surgi devant moi me demande si j'ai abandonné, et s'apprête à prendre mon vélo pour le hisser dans le camion...euh, non, y'a erreur, je rentrerai à vélo...Le service 'assistance et balai' est efficace ! Notre petite troupe se dirige vers l'auberge du Soleil d'Auvergne (non, non, ce n'est pas de l'humour noir !!), cafés et viennoiserie, accueil chaleureux. Une fois revêtue de vêtements secs appartenant à Bribri (ah la chance que j'ai !) nous voici partis pour Albepierre, au pied du col du Prat de Bouc. Nous essuyons encore une averse ou deux, mais bientôt des éclaircies pointent le bout de leur nez, vite balayées par le vent du nord et remplacées par des nuages menaçants. Les conditions s'améliorent néanmoins et lorsque les premiers coureurs arrivent (voir les photos sur le blog de Michel, toujours), avec un retard considérable sur les prévisions horaires de passage, la route est enfin sèche. J'imagine que les plus rincés d'entre eux ont trouvé là un regain de force. La course a été atomisée nous semble-t-il, les coureurs ont été comme éparpillés et s'égrennent, le plus souvent solitaires, sur les premières pentes du Prat de Bouc. Il est évident que la bataille a été rude, et qu'elle a laissé des traces, marqué les organismes. Nos encouragements, félicitations et vivas s'enchaînent, chacun des spectateurs ou supporters présents guette le passage d'un copain, d'un frère ou d'un coureur connu - Jean Pascal Roux, Magdalena de Saint Jean emmitouflée dans un gore-tex rouge, Oliver Dulaurent, Karine Saysset, Sébastien Gissinger.... Je cours quelques mètres à côté des copains d'Ecocyclo, Laulesp en très bonne position (dans les 200) mais qui me dit être 'dans le trou', Didier serein et souriant, André mal en point et qui ne sait plus très bien combien de kilomètres il reste à faire, Titi alerte et vif. Sympa d'être spectatrice et supportrice, et si j'adoptais ce rôle définitivement ? Michel et Bribri tentent de compter les concurrents et leur annoncent leur classement supposé, facile jusqu'à 30 ou 50 mais ensuite les choses se compliquent - des coureurs aux dossards 2000 et plus se mêlent aux premiers. How on earth?! L'explication : la montée sur le Puy Mary a été interdite aux coureurs, qui ont eu le choix entre rentrer directement sur St Flour ou zapper 30 km et reprendre l'itinéraire à hauteur de Murat. Bref le comptage devient jeu de devinette, et Michel imperturbable continue à séparer 'le bon grain de l'ivraie' au milieu des encouragements et commentaires animés de notre bande de spectateurs. Pendant que les concurrents eux ne sont pas vraiment à la fête. Mais le pire est derrière eux, et je suis admirative car certains ont de toute évidence été chercher très loin en eux les ressources pour faire face et continuer. Et se forger des souvenirs, non pas à la chaleur incandescente du brasier de Vulcain, mais au souffle glaçant de Borée. Bravo à tous !!
Le parcours et le profil :
Comme vous le savez déjà, seuls 1982 concurrents ont rejoint la ligne d'arrivée. Laulesp, Didier, André et Titi furent de ceux-ci. André m'a dit n'avoir jamais eu aussi froid que dans la descente du Puy Mary, et que pour se galvaniser, il s'était vu obligé de hurler - c'est dire si les conditions furent difficiles.
Et pour conclure, le jaune éclatant des tournesols, à nouveau. Pour oublier la gangue de grisaille qui a pris l'Auvergne en otage !
Voici différents liens à suivre :
- le compte-rendu sur le site officiel
- le superbe compte-rendu de Laulesp sur le blog Ecocyclo : comme si vous y étiez !
- le court compte-rendu rédigé par Sébastien Gissinger, à trouver sur Facebook
- un article très intéressant rédigé par Rhys Chong, kiné londonien et publié sur son excellent blog 'Physical Edge' : un point de vue qui nous renseigne sur la façon dont les très nombreux britanniques ont pu vivre cette Etape du Tour Acte II
- un autre article, par le californien Lindsay Crawford, qui participait à sa onzième Etape du Tour et s'est vu lui aussi contraint d'abandonner
[Texte : Pat - Photos : Pat et Bribri]