Vidéo : le RPE de Rudolf, de Valensole à La Palud (Verdon)
Maintenant, je vais tâcher de faire court (mais c’est mission impossible, je vous avertis) pour vous raconter les faits et moments les plus marquants pour moi. Je vais donc suivre le fil chronologique, le meilleur fil d’Ariane qui soit en l’occurrence puisque je me suis assigné la mission de montrer combien la grande randonnée ou la pratique ultra est à la portée de presque toutes et tous et que pour cela il suffit d’exploiter son potentiel.
Et que la récompense de cette démarche est dans la démarche elle-même, ce qui est déjà énorme !, mais est également décuplée lors de l’ épreuve (cette intensité d’existence dont je parle plus haut) et après l’épreuve (les enseignements tirés) !
COMMENT L'IDEE M'EST VENUE.......Il y a un an, j’étais l’un des deux membres de l’assistance d’André Perez sur le RPE. Malheureusement, notre véhicule a rendu l’âme à Puymoisson, André a dû poursuivre seul, avec le strict minimum dans les poches et une lumière bien pale pour affronter la descente de la montagne de Lure dans le brouillard. Mais il a néanmoins bouclé son RPE (édition beaucoup plus difficile que celle de 2008) en 26 heures après être allé cherché les ressources nécessaires très profond. Admiration et très grande émotion. Les heures passées le derrière vissé sur le siège du conducteur m’avaient épuisée nerveusement, mais quelle intensité dans les émotions ressenties….jamais je ne me serais doutée qu’assister un ultra pouvait être aussi riche humainement, aussi fécond. Pour les meilleures équipes, comme celle formée par Laure Rico et sa sœur Gisèle, il s’agit d’une communion avec le cycliste ultra……qui nécessite une grande intelligence humaine et de très hautes compétences cycliste, logistique, diététique, automobiliste, etc….Hélas pour André, l’équipe que je formais avec Jean Yves n’était qu’un ersatz de ce qu’elle aurait dû être - par contre quelle leçon pour moi !! Bref, ce fut cette expérience qui m’a donné l’envie furieuse de parcourir les routes du RPE à vélo…….allez savoir pourquoi !Et comme en 2007 j’ai découvert les très longues distances avec une flèche effectuée en avril (500 km) puis les brevets qualifs pour le PBP puis le PBP lui-même, je me suis dit qu’il me fallait ’rentabiliser’ les km et expériences accumulés en 2007, en profiter pour passer le mur du ‘son’ cycliste !!Donc le RPE était déjà inscrit fin 2007 sur mes tablettes, version ultra (André et Jean Yves devaient m‘assister). Ma préparation de début de saison a donc été axée sur ce premier objectif.Jean Marc Velez, revu lors de sa présentation RAAM 2007, m’a beaucoup aidée à définir des axes de travail, m’a donné une foultitude de conseils avisés….en plus de son amitié et de sa capacité à m’écouter !! Un immense merci à toi, Jean Marc !Fin février, changement de programme. Il devenait impossible à André et Jean Yves de m’assister. Je décidais donc de partir en Grand Randonneur (sans voiture d’assistance, mais avec possibilité de laisser des sacs à chaque point de contrôle), seule. J’ai bien un peu vacillé au moment de cette décision, je dois avouer que la perspective de rouler entièrement seule la nuit m’angoissait quelque peu (sur le PBP, Jeff avait toujours été à mes côtés, et puis y’a toujours du monde sur les routes de Bretagne), d’autant que d’après mes calculs je devais me trouver dans les gorges du Verdon en milieu de nuit (avec la redoutée descente de la Boucle du Belvédère au programme).Et pour couronner le tout, le choix de la formule Grand Randonneur impliquait que je m’aligne sur le même parcours que les hommes (ce qui est LA chose à faire : la possibilité d’un parcours féminin raccourci du RPE envisagée jusque fin février était une erreur je pense…….le PBP est le même pour les hommes et les femmes, après tout !), avec un dénivelé prohibitif pour moi qui ne suis pas très à l‘aise dans les montées de col.
Mais au fil des jours, cette perspective de faire le RPE en formule solo me séduisit davantage. Je n’entraînerai personne dans une galère, je n’aurai pas la pression de faire un résultat, je n’aurai à prendre d’égards que pour moi-même, je testerai mon potentiel pour l’ultra en toute sérénité et sans engager des frais trop exhorbitants….bref je serai reine en mon royaume !!!
Voilà les pensées qui me sont venues et qui ont conforté ma décision.
Vidéo : le RPE de Rudolf, de La Palud à St Rémy
COMMENT JE ME SUIS PREPAREE.....
Ma prépa est passée par quelques grandes distances, effectuées en non-drafting (= sans m’abriter dans les roues) ou seule ; un 150 en janvier, deux 150 en février (températures basses mais cela permet de s’aguerrir !), deux 200 en mars, un 250 fin mars avec retour de nuit , un 350 km 5 semaines avant le RPE avec départ de nuit ; enfin une semaine dans le Vaucluse à 500 km 15 jours avant le RPE avec des sorties moyennement longues mais sur un rythme rapide pour moi (merci Benoît et André !) ; la semaine dans le Vaucluse a été également mise à profit pour une reconnaissance en voiture de deux tiers du parcours sur une journée ( j’avais auparavant beaucoup travaillé sur le road book et connaissais pratiquement tout l’itinéraire par cœur mais il me fallait effectuer cette reconnaissance pour me rassurer, m’ôter les doutes, me sentir enfin prête à effectuer 622 km sans avoir à regarder la carte à chaque carrefour ou à sortir les lunettes de vue pour pouvoir lire le road book ) ; la participation à la Scott Mille Bosses à l’issue de cette semaine puis repos complet .
J’ai rarement fait plus de 3 sorties hebdomadaires, seule pour travailler un aspect particulier ou avec les copains de mon club pour gagner du rythme ; ai parfois utilisé le HT (une fois par semaine, pas plus) pour des séances bien ciblées (exercices unijambistes, fractionnés). J’avais donc 5000 km depuis début janvier et 6400 km depuis début novembre dans mon escarcelle quand je me suis présentée à Saint Rémy de Provence……rien qui soit hors du commun, vous en conviendrez.
Beaucoup de cyclosportifs totalisent un nombre de km proche de ceci !
Cela c’est pour le physique…….mais je me suis beaucoup intéressée à la préparation mentale à travers des lectures et une réflexion menée pendant les mois d’hiver. Ce qui m’a été facile puisque, à travers ma pratique quasi quotidienne de BreathPlay (‘méthode’ respiratoire mise au point par Ian Jackson et que Patrick François a eu la géniale idée de commercialiser en France) je me suis familiarisée depuis quelques années avec l’imagerie kinesthésique propre au geste cycliste, avec le rôle fondamental de la respiration dans la rythmique du geste, la structuration muscullo-squelettique dans l’effort et la gestion du mental.
Tous ces aspects sont malheureusement trop souvent ignorés dans la performance sportive….du moins en France. Et pourtant, que les choses s’en trouvent modifiées !!
Notamment l’approche que l’on a de son sport et de la performance ou de la compétition.
Et je suis persuadée que BreathPlay m’a ouvert la voie de la grande randonnée ; sans cette pratique régulière j’aurais probablement mis des années à entrevoir toutes les possibilités qui s’offraient à moi et je ne serais pas aussi solide mentalement.
Bref, je ne peux que me féliciter de ne pas être passée à côté d’une telle richesse !
C’est également cette plongée réflexive dans le geste et l’effort sportifs qui m’a menée à une réflexion existentielle et m’a fait comprendre combien tout est interdépendant, tout s’intègre, et que le vélo ne saurait être uniquement affaire de chiffres, de données physiologiques quantifiées, de technique et de matériel, même le plus sophistiqué qui soit (et Dieu sait si j’aime le beau matériel….mon Colnago Extrême C en atteste !!), ou même de résultats en compétition. C’est tellement plus vaste …….jusqu’à tout embrasser !
Bon, j’imagine que vous l’aurez compris, je suis une passionnée de vélo ….et de cyclisme !
Martial me surnomme la 'Patsionaria’ de la grande distance, il n’a pas tort le bougre !!
COMMENT CE FUT JUSTE AVANT.........
Voilà mon fil chronologique entièrement déroulé jusqu’au fatidique vendredi 9 mai, veille du départ du RPE !
La veille, j’avais passé le plus clair de ma journée de congé à préparer mes sacs pour les points de contrôle, à cuisiner mes plats sans gluten et végétariens pour le long week-end qui s’annonçait. Un peu beaucoup prise de tête cet aspect logistique des choses ! Et qui finalement ne m’aura servi à rien …..mais n’anticipons pas ! …..Le point positif : cette fébrilité préparatrice m’aura permis de faire taire mes angoisses, bref ce fut mon assurance tous risques contre la menace de perdre confiance en moi devant l’énormité de l’objectif qui se rapprochait à grands pas !!Ouhh ce que je me suis sentie petite et bien mal taillée pour ce RPE les jours qui l’ont précédé …mais ai réussi à n’en souffler mot à personne, même pas à André qui fort heureusement avait pris quelques jours de congé pour m’assister dans ma préparation.
Donc, vendredi 9 mai. Départ de Gannat le matin avec Jeff, in my car.Pascal et Georges nous suivent (Jeff, Georges et Dominique qui nous rejoindra à St Rémy forment l’assistance de Pascal ; j‘ai fait la rencontre de Pascal et Jeff l‘année derniière pour la Flèche vers Draguignan, et Pascal et moi nous sommes conjointement motivés pour participer à notre premier RPE…….même si nous n‘avons pas tout à fait les mêmes objectifs !!).
L’excitation est palpable, Pascal et moi avons hâte d’être au lendemain, de pouvoir enfin ne plus penser à rien d’autre qu’à appuyer sur les pédales………..la mise en liberté tant convoitée mais qui nous paraît encore si lointaine.
Début d’après midi : après avoir dépassé Hughes et Laure, de retour d’entraînement à l’entrée de St Rémy, nous nous installons dans le mobile home du camping.
Puis RV au PC du RPE où nous trouvons toute l’équipe organisatrice sur le pied de guerre : Patrick, Xavier, Alain, David, Laurence. L’ambiance est à la gaïté…..Petit tour sur le vélo pour dégourdir les pattes. Puis à 18 h, le briefing fort sympathique pour tous les participants (7 Grands Randonneurs et 15 Ultras) : nous apprenons que l’itinéraire est amputé d’une cinquantaine de km……..compte-tenu des conditions dangereuses sur le haut de la descente côté Malaucène) nous ne monterons le Ventoux que jusqu’au Chalet Reynard pour descendre ensuite sur Sault ( donc exit la descente sur Malaucène et la remontée de la vallée du Tourlourenc) ; beaucoup sont déçus……je ne dis rien, je me réjouis en silence..……j’ai toujours craint le haut de la descente du Ventoux, que ce soit le versant nord ou sud, d‘autant plus cette année où je manque encore un peu de confiance en moi en descente avec mon Colnago (un vélo exceptionnel, ce n‘est pas lui qui est à remettre en cause mais ma lenteur à apprivoiser le comportement de la fourche droite après des années avec une fourche incurvée)…..et puis les 2H30 gagnées sur l’itinéraire prévu nous permettront d’arriver dans le Verdon de jour et de profiter du somptueux coucher de soleil dans les gorges - c’est une promesse de bonheur absolu !
20 h, repas fort gai au camping. Douche puis je vais rapidement me coucher, j’ai besoin de m’isoler, de réviser ma checklist pour le lendemain, de préparer toutes mes affaires…..et surtout le besoin de silence et d’une courte séance de visualisation mentale, et de relaxation car depuis le matin il me semble n’avoir pas cessé de parler, écouter, m’inquiéter, rire…Tu parles !! A deux heures du matin, j’avais déjà visionné tout l’itinéraire 2 ou trois fois, je m’étais imaginée monter les rampes du Ventoux avec un pédalage souple et facile, les mains légèrement posées sur le guidon, puis descendre le 19% des boucles du Belvédère en toute sérénité, ne faisant plus qu’une avec mon Extrême C…….m’étais relevée pour aller faire pipi dehors au moins 3 fois….to make it short, la nuit fut longue !
Baste, lorsque le réveil sonne à 6 heures, bon pied bon œil, ma checklist est prête dans mon cerveau, tout se fait sans hâte, petit déjeuner léger pour ne pas voir le mal de tête de la veille se profiler à nouveau (toujours le symptôme d‘une tension intérieure chez moi, heureusement fort rare ! Mais déjà expérimenté avant le PBP…..comme quoi ces grands objectifs ne sont pas si anodins que cela et causent des perturbations physiques!!)……mais ce que mon cœur commence à cogner fort !! Georges et Jeff me détendent grâce à leur bonne humeur et cascade de plaisanteries et rires…C’est l’heure, photo, beaucoup d’émotion dans notre groupe quand je pars seule sur mon vélo pour rejoindre le départ.
Place du Général de Gaulle. Je me présente à Giancarla, seule autre féminine présente sur ce RPE, elle aussi en qualité de Grand Randonneur. Je suis heureuse que nous soyons au moins deux…..et elle est tellement jolie et tellement jeune ! Elle a un sac à dos, je m’étonne, tu ne vas pas garder ce sac, si si, elle m’explique en anglais que c’est son assurance psychologique, qu’elle ne s’en sépare jamais.
Puis j’apprends qu’elle a dormi dans sa voiture, qu’elle est venue seule de son village au sud de Turin ; elle est inquiète, elle n’a jamais parcouru plus de 400 km. Encore 30 mn à attendre avant de nous élancer pour la première partie neutralisée de 55 km, celle qui nous permet de relier St Rémy à Bédoin.
COMMENT CELA S'EST DEROULE
PRELUDE
Ça y est, notre petit groupe de 7 Grand Randonneurs est parti, nous ne lambinons pas trop, couvrons la distance en 1h50, Cosmas et Joerg se relaient pour ramener Giancarla dans le groupe, chacun est concentré, Laurent ne semble pas sentir les pédales devant, et Jean Paul (le troisième auvergnat du RPE !) devise gaiement comme à son habitude.
Bédoin, le magasin La Route du Ventoux……..45 mn à attendre, nous aurions voulu ne pas dépasser 5 mn d’attente, nous avons tous tellement hâte de lâcher les chevaux……
THE RPE AT LAST!!Enfin à 11h00, Xavier abaisse le bras, c’est parti. Les mecs devant, je laisse filer, Giancarla veut monter à son rythme, je lui souhaite bonne route.Déjà le virage de Ste Estève. Les dés sont jetés, je suis tellement heureuse d’être enfin seule, de me retrouver dans mon temps et dans mon espace, de pouvoir enfin m’immerger dans mes sensations, de ne plus penser surtout, d’être ici dans le présent, coup de pédale après coup de pédale………..le cardio Polar bien sûr dysfonctionne ! ….le 5° pignon de la cassette est inutilisable car usé…….je monte au maximum cardiaque, peu importe, c’est un tel bonheur d’être enfin partie que je laisse filer les problèmes potentiels.Je ne dirai pas grand-chose de mes heures passées sur le vélo, sinon qu’elles ont toutes été semblables à ces premiers instants dans le Ventoux, libres de tout souci ou toute tension. Et que les heures toujours ont filé à toute allure, bien plus vite que moi !J’ai jugulé les crampes qui m’ont paralysé la cuisse droite dans la descente sur Sault (rançon d’un démarrage trop rapide après le long arrêt à Bédoin), j’ai joué avec le vent si fort sur le plateau d’Albion et après St Michel l’Observatoire, j’ai adoré la petite D105 toute en montée jusqu’aux hauts de Manosque et je m’y serais volontiers attardée, je me suis sentie des aîles dans la montée sur le plateau de Valensole avant de me ratatiner sur mon Colnago sans forces dans le vent avec qui je ne jouais plus, ballottée mais comme aimantée par la vision des sommets enneigés des Alpes du sud et des sommets du Verdon, j’ai rallié Valensole à Moustiers comme en rêve et là je l’ai vu ce lac de Sainte Croix, cette merveille de bleu cobalt, cette merveille de translucence, oh comme j’aurais aimé m’y plonger, me rafraîchir, je suis si attirée, si ‘mesmerized’ par cette eau que, panique, je me demande si je n’aurais pas manqué l’embranchement pour Aiguines (premier doute quant à l’itiniraire !).
Je m’arrête…..sors la carte, la range, pas vraiment rassurée, en proie au doute….mais voici la réponse…….Hughes en blanc qui vole sur son vélo et qui me lance un joyeux ‘Héhé’ au passage, suivi de prêt par Dominique qui me lance un signe de la main et leurs deux voitures d’assistance…..ce fut si bref, les oiseaux de haut vol ne s’attardent jamais et ne vous laissent dans les yeux qu’un éclair fulgurant, un sentiment d’énergie et de joie pure, quelle chance d’avoir pu les apercevoir !Puis la montée sur Aiguines, le vent commence à faiblir, autour de moi tout commence à se reposer de l’opulence de la journée, je sens poindre la sagesse, la sérénité……..oh que la soirée va être belle, que la nuit va être à nulle autre pareille……….je suis sur le toit du monde !Aiguines où je retrouve Alex et Roland puis David et Alain, nos GO si compétents, si à l‘écoute de nous tous sur le vélo, ils ne nous ont pas lâchés, nous ont prodigué tout ce que l‘amitié peut offrir de meilleur tout au long de ce RPE, nous ont accompagnés sans relâche, apparaissant comme par miracle lorsque certains participants commençaient à flancher, comme Patrick et Laurence le feront également lorsque je les retrouverai à LaPalud.Mais revenons à Aiguines, ils s’occupent de mon vélo dès que je pose pied à terre, puis de moi, ne savent quoi inventer pour me réconforter, me redonner des forces….ils m’assoient dans un siège, Roland me masse les jambes, m’étire le dos, je suis comme neuve…..heureusement qu’ils sont là, lorsque j’arrive aux PC je n’ai plus aucune lucidité, je sors d’un espace temps si personnel que j’ai du mal à retrouver mes esprits, je n’ai même plus l’énergie de prendre dans mes sacs ce que j’ai préparé, surtout je ne veux plus me soucier du matériel, j’ai du mal à me forcer à manger, à boire, je voudrais ne plus être qu’un pur esprit…
Pendant que je suis au contrôle, tout se bouscule. Venier arrive et repart en trombe, d’autres encore, c’est incroyable cette cohue…….je repars, les ultras me doubleront un à un jusqu’après Pont de Soleils, j’ai tant aimé ces heures-là, le coucher de soleil tellement magique qu’il en est indicible pour moi, l’obscurité qui tombe, les cyclistes éclairés par les feux de leur voiture, les jambes qui tournent, tournent et tournent encore, les gyrophares là-haut tout là-haut, Hughes et Dominique probablement qui en finissent avec la Boucle des Belvédères, nous tous occupés à avancer, à fendre la nuit, chacun dans son temps, mais si proches les uns des autres……et leur gentillesse à tous, à Jean Michel, à Igor, qui m’encouragent tout particulièrement…..une clameur tonitruante, une pluie de lumière dans mon dos, le bruit de l’air déplacé à toute vitesse à côté de moi, Pascal en éclair qui se retourne pour me lâcher « Pat…..je reviens de l’enfer ! », les voix enthousiastes et délirantes de Georges, Dominique et Jeff qui scandent « Elle est là ! Elle est là ! » , la voiture à ma hauteur « Ah si tu savais….mais Pascal est en pleine forme maintenant ! », Jeff penché par la vitre arrière gesticule dans ma direction, tant d’enthousiasme et de joie dans cette voiture, Pascal reprend Jean Michel à quelques encablures devant moi, Jean Michel accélère, les deux voitures s’engouffrent derrière leurs coureurs, whoosh………l’obscurité s’est déjà refermée sur eux, quelques secondes et le silence est de retour, les gorges ont happé ce train surréaliste. Encore un moment que j’ai adoré !
Puis la nuit où je suis seule, mais tous ces ultras ont laissé une vague d’énergie, de vie et d’amitié telle que je surfe avec aisance, j’avale descentes et montées, à Trigance les baladeurs nocturnes s’amusent de ces cyclistes qui les ont pris d’assaut.
Et me voilà dans la Boucle du Belvédère……..montée incroyable, qui n’en finit pas, je parle à Eole, lui suis reconnaissante de m’aider puis l’accuse de tout faire pour me retarder dans les dernières rampes……je mets pied à terre, les mollets ne m’obéissent plus, non plus que les quadris, quelques étirements, c’est reparti……..la descente : je développe le don de double entendre, je perçois le moindre craquement dans les taillis, je crie ‘La bête, non, tu ne traverses pas, laisse-moi passer’…..seul un lapin fera mine de vouloir traverser la route devant mes roues, je hurle ‘Lapin, tu es fou’ (Alice au pays des merveilles qui me revient ?) …..effectivement, affolé, il rejoint le bas-côté. Voilà, la pente descendante se fait moins abrupte, je relâche la pression sur les freins.
LaPalud - Patrick, Laurence et David sont là, Roland dort……toujours ce même accueil si chaleureux, si amical…..quelle étrangeté après les heures en solitaire……Raymond arrive, il a eu des problèmes digestifs, il repart, je repars. Je quitte ce Verdon à regret, mais le voyage continue, toujours aussi beau, toujours aussi gratifiant.
La montée vers Puymoisson, le virage où nous avions dû abandonner le Berlingo d’André l’année dernière……..ce RPE est aussi comme un travelling arrière, tous ces flashs qui me reviennent, la pensée d’André est partout, il m’accompagne même s’il n’est pas présent. Je rattrape Laurent avant Valensole. Il repart de Valensole avant moi, je le rattraperai plus tard et nous ferons route commune à partir de Gréoux car son éclairage est vraiment déficient (mais côte à côte toujours, pas d’abri pris dans les roues même si cela nous est autorisé à nous Grands Randonneurs……..je suis toujours dans la logique de mon test pour une épreuve ultra).
La fin de la nuit passe vite, déjà nous pressentons les premières lueurs. Arrivés à la Bastide Jourdans, je me trompe !! Et nous fait prendre la première à droite………..j’ai la nette impression que ce n’est pas la bonne route, mais à ce moment, entre 5h00 et 6h00 du matin je suis toujours fragilisée, et je n’ai pas la lucidité nécessaire pour faire demi tour ou sortir la carte de la poche….Laurent caracole devant, je me dis que ce doit être ok.
End of the road : Manosque ! Coup de fil à Patrick, je suis perdue…..la carte ne me renseigne pas…..Laurent demande notre chemin à des automobilistes qui n’en peuvent mais….heureusement un homme fort matinal nous donne la solution…. Je ne reverrai pas Laurent avant la côte de Sainte Anne.
Je suis heureuse de retrouver ma solitude. Céreste, la côte de Viens où j’ai l’impression que mon vélo est devenu un jouet pour lilliputiens tellement je suis exténuée, Viens pour un arrêt au café (croissant et un grand café), tout va bien ensuite, le revêtement peu accueillant entre Gignac et Saint Saturnin, le col du Pointu, Lourmarin….et tiens David dans la voiture de l’organisation…..super, il m’accompagne, me montre le chemin au loin devant, me suit, monte à ma hauteur et m’encourage……..je retrouve de l’énergie que je ne pensais plus avoir, peut-être suis-je restée trop longtemps dans mon espace temps à moi….
Et voilà Laurent, et puis la côte Sainte Anne que je connais pour avoir fait le RPI il y a 4 ans. Non merci, je décline le défi, je mets pied à terre dès que les choses se gâtent terrible, enlève mes chaussures, et monte à pied, l’effort est bien suffisant !
David restera avec nous jusqu’à Alleins. Laurent et moi sentons bien que la partie ne peut plus nous échapper, Laurent est tellement ravi d’avoir réussi ce truc si difficile, plus difficile que le PBP selon lui. La fin passe si vite, je voudrais retenir les minutes, mais aussi bien sûr je suis si heureuse que nous approchions de Saint Rémy.
Et que de splendides paysages encore traversés, que de villages où il ferait si bon s’attarder, Vernègues, Eygalières. Mais avant la côte de Roquemartine où Alex, Roland et Alain nous attendent pour nous encourager, pour partager notre ravissement. Alex me tendra une fleur de coquelicot avant de tourner à la Chapelle de St Sixte !
Laurent refuse d’aller à son rythme, pourtant il avait la jambe facile dans la montée de Roquemartine, il tient à arriver avec moi, j’apprécie son geste d’amitié. Et j’apprécie qu’il soit là dans cette longue ligne droite qui n’en finit pas après Mollèges.
Mais toujours et encore je suis dans le moment présent, je savoure, je ne veux pas laisser échapper une miette de ces moments si rares. Et puis la succession de giratoires, et c’est ici que ………Jeff, Laurence, Roland, Alex, Alain, Xavier et Patrick attendaient sur la place du Général de Gaulle à Saint Rémy de Provence……et vous connaissez la suite, retour au début !
Il ne me reste à ajouter que deux choses : la soirée du dimanche fut un moment privilégié, sous le signe de l’amitié toujours, les participants et les organisateurs du RPE forment une famille, et c’est un privilège incomparable que d’y appartenir. C’est ce dont je suis la plus fière !
Enfin, il m’a fallu toute la semaine qui a suivi pour récupérer physiquement, mais ce matin lors de ma courte sortie des sensations de puissance me sont venues, annonciatrices d’une grande forme. Il aura donc suffi d’une semaine pour que la plénitude physique soit à l’aune de la plénitude mentale que le RPE m’a procurée……….étonnant, non ?!
Enfin, je fais le rêve que l’année prochaine, nous serons au moins 5 féminines au départ : Giancarla qui a promis de revenir, Ann Haycraft qui a le RPE dans la tête depuis fort longtemps, Anne Le Lez qui en a le potentiel mental et physique et Claire Soriot dont le RPE a commencé à hanter les rêves, et moi-même. Et puis bien sûr, toutes celles et ceux qui croient dur comme fer qu’il vaut mieux essayer de réaliser ses rêves au risque de se planter plutôt que de ne rien tenter.
[Texte et mise en page : Pat - Photos : Jeff et Pat - Vidéos : Rudolf STOCKAR]
Pour d'autres lectures fondatrices sur le RPE : Unlimited Miles, un must !