Marie No et Didier ont profité de l'été pour se mesurer à un défi cycliste de taille - la Super Randonnée de Haute Provence. Mesure prise : tous deux sont des grimpeurs de haute volée !
Probablement de nombreux autres gestes vélocipédiques à suivre, de leur part !
Et nous ne nous en plaindrons pas, la lecture du CR ci-dessous, rédigé par Marie No étant des plus agréables.
So on you go!
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Attention, trou à droite! Attention, gravillons à gauche! M'annonce Didier. Les pneus crissent, les
patins frottent sur les jantes, le contenu de ma sacoche de selle s'agite, lui faisant passer un ultime
test de solidité.
Il est environ 4h40 du matin, la nuit est douce et claire en ce dimanche 11 juillet.
Didier s'est courageusement engagé le premier sur la petit route (route qui n'a pas du voir depuis des
lustres la seyante combinaison orange des réprésentants de la DDE!) descendant de chez Sophie à la
sortie du village de Carcès, notre point de départ.
Voilà, je suis au pied de mon Everest personnel: réaliser la Super Randonnée de Haute Provence
(SRHP) avec ses 609 kilomètres et ses 12 000 mètres de dénivelé en moins de 50h00.
Hier soir, confortablement installée sur la superbe terrasse de la bergerie de Sophie, j'ai bien eu
quelques mauvaises pensées: après tout, je serais tout aussi bien sur une chaise longue à bouquiner
ou dans la piscine à faire trempette.
Mais non, le sort en est jeté: à 4h50, je photographie Didier devant le panneau de sortie de Carcès.
Ce système de pointage par photo sera utilisé pendant toute la randonnée; c'est pratique (il n'est pas
toujours facile de trouver un commerce où pointer, surtout au milieu de nul part) et puis cela fera
des souvenirs.
La Super Rando de Marie No et Didier en images
Les premiers kilomètres sont un peu étranges: je ne me sens pas encore “dedans” mais en même
temps, je suis un peu nerveuse. Je n'arrive pas à trouver mon rythme alors que la route s'élève déjà;
sans m'en rendre compte, je vais trop vite; je me retourne de temps en temps et vois Didier à 20 ou
30 mètres derrière; situation inhabituelle pour moi.
Après quelques kilomètres, la côte de Cotignac me rend plus raisonnable. Ce n'est pas le jour de
faire la maline sur le 42; je passe le 30; il va s'agir d'être souple et de mouliner pour venir à bout de
la SRHP.
La montée en direction des Gorges du Verdon est progressive; nous passons notre premier col, le
col de la Bigue. Peu à peu, apparait en contrebas de la montagne, le lac de Saint-Croix qui a pris les
magnifiques couleurs de l'aube. Une bifurcation, et la route serpente le long d'une falaise; la montée
est agréable dans la fraicheur du matin et le calme d'une circulation quasiment inexistante.
A 7h37, nous atteignons notre deuxième point de contrôle, les Sources de Vaumale. Nous profitons
de cet arrêt obligatoire pour remplir nos bidons à cette source bien fraiche. Il fait très doux voire
chaud et nous pressentons que la température va aller crescendo au cours de la journée; il est donc
essentiel de bien s'hydrater. Sophie a d'ailleurs donné sur son blog de nombreux conseils et
indications concernant l'approvisionnement en eau; je me suis fait un petit pense-bête, il ne devrait
donc pas y avoir de problème de ce côté là.
Quelques mètres plus haut, nous passons le col de Vaumale, clef d'entrée de la rive gauche des
Gorges du Verdon. Le route domine les gorges, montant et descendant, au gré du relief; le paysage
est sauvage et magnifique; nous apercevons en face, sur la rive droite, l'impressionnante Route de
Crêtes que nous devrons emprunter d'ici quelques heures.
A Pont-de-Soleils, nous passons au-dessus du Verdon et attaquons la rive droite des gorges; nous
roulons au niveau de la rivière, au fur et à mesure que nous nous élevons, nous l'apercevons au fond
de canyon, ayant pris une magnifique et irréelle couleur vert émeraude. Cela donne envie de se
baigner ou de faire une balade en canoë. C'est à regret que je passe devant le Point Sublime et
d'autres belvédères aménagés sans pouvoir m'y arrêter: le randonneur doit rester concentré sur son
objectif, mais je me promets de retourner dans les Gorges du Verdon en “vraie” touriste.
Nous ne sommes plus qu'à 2 kilomètres de La Palud, petite ville où nous avons prévu de ravitailler,
mais la SRHP ne serait pas la SRHP si elle prenait les routes les plus faciles; donc, au lieu de filer
tout droit vers La Palud, nous tournons à gauche pour entamer la Route de Crêtes. Ce petit détour
de 12 kilomètres va se révéler particulièrement ardu. La route s'élève brusquement en une longue
rampe, à laquelle succède une autre rampe et ainsi de suite. La végétation, plus que réduite, est
incapable de nous protéger d'un soleil qui commence à taper fort. J'adopte un rythme très tranquille,
cherchant juste à progresser sans trop m'entamer. Peu à peu, je rattrape Didier parti plus rapidement
que moi; je le passe, il ne semble pas bien et a sa tête des mauvais moments: je le connais assez
pour lire sur son visage. Un petit encouragement et je continue; je ne veux m'arrêter qu'au panneau
qui sert de pointage et qui, selon les indications de Sophie, doit se situer à quelques centaines de
mètres du sommet. Je suis soulagée lorsque je l'aperçois enfin; je ne perds pas de temps et me
précipite...à l'ombre. Didier me rejoint; nous faisons la photo (10h54) et récupérons un peu de nos
efforts en observant le gracieux ballet d'un oiseau de proie planant au-dessus de nos têtes.
Nous attaquons la descente dont le début est très spectaculaire et raide...une erreur de trajectoire et
c'est le grand saut assuré; n'étant pas kamikaze, je fais preuve de prudence.
Vers midi, nous arrivons sans encombre à La Palud où une fontaine et une boulangerie nous
attendent. Alors que j'ai bon appêtit et fais honneur au talent du boulanger, Didier ne prend
quasiment rien, il semble soucieux et un peu absent.
Après une demi-heure d'arrêt, nous repartons en direction de Moustiers-Sainte-Marie qui marque la
sortie des Gorges du Verdon. La route n'est jamais facile; nous passons un petit col et une longue
côte, qui, sur la carte n'avaient l'air de rien mais avec les heures de selle et la chaleur, prennent
beaucoup plus de...relief. La mauvaise mine de Didier confirme mes craintes: dans l'ascension de la
côte, il s'arrête net et me dit qu'il a besoin de faire une pause; pour bien connaitre Didier, je sais que,
dans ce genre de cas, il a besoin de quelques instants de sommeil et que ça repartira aussi sec! Je
l'attends en haut de la montée, installée à l'ombre du seul arbre du lieu où une famille pique-nique
en écoutant à la radio la retransmission du...grand prix de Formule 1...ça casse un peu le charme!
Didier me rejoint, il semble aller mieux mais nous savons que, quoiqu'il arrive, la gestion doit être
notre maitre mot. Moustiers passé, le paysage change complètement; nous arrivons sur un plateau
très carte postale, une vraie publicité pour la Provence: champs de lavandes en fleur à perte de vue!
C'est beau mais c'est dur: il fait chaud et la route n'est pas plâte. Arrivée au village de Puimoisson,
je m'arrête pour attendre Didier que j'avais aperçu derrière moi quelques instants auparavant;
personne...j'attends, toujours personne...en fait, Didier a repéré un tuyau d'arrosage dans la petite
cour d'une maison et s'est mis en devoir de remplir ses bidons et de s'arroser. Je l'imite
immédiatement, allant jusqu'à mettre mes pieds (chaussures comprises) sous le jet. Merci donc à ce
généreux contributeur inconnu!
Après une belle descente, nous entamons la montée du col d'Espinouse, non sans avoir refait le
plein des bidons et s'être arrosés abondamment au robinet du cimetière du village de Bras d'Asse. Je
pressens que la montée va être chaude...et en effet, la route, de plus en plus étroite, serpente entre
des petits vallons où il fait chaud, très chaud, quasiment pas un souffle d'air. Je vois Didier qui
s'éloigne inexorablement et moi qui semble être collée à la route. Bon allez, il faut que je gère...pas
d'énervement...à ma main...je vois avec plaisir le panneau indiquant le col; je prends la photo en
vitesse (15h16) et me mets à l'ombre du seul maigre abrisseau du lieu; quelques instants de
récupération et nous entamons la descente.
Nous decidons de faire une bonne pause bistro aux Grillons; village qui nous est familier pour y
avoir fait...une pause lors de notre flèche Vélocio 2007. L'arrêt me fait du bien mais je ne me sens
pas au mieux. Dès la sortie du village, un long faux plat montant se met en travers de nos roues; en
fait, on peut considérer que l'ascension du col de Fontbelle commence là car la route ne va pas
cesser de s'élever, prenant un relief de plus en plus marqué. Je ne suis pas à la fête: plus la route
s'élève, plus j'ai chaud, plus je reste scotchée au bitume...Didier s'est envolé, le veinard a retrouvé
son coup de pédale...je traine ma misère, je commence à voir un voile noir devant mes yeux; je sais,
par les récits de Sophie, qu'une partie du col est en sous-bois, je n'ai donc qu'une hâte, atteindre ce
sous-bois dans l'espoir d'y trouver un peu de fraicheur ou, tout au moins, une chaleur moins
étouffante. Et puis une mauvaise pensée me taraude: l'envie de m'arrêter...non, il ne faut pas que tu
t'arrêtes, tu ne le fais jamais d'habitude et si tu t'arrêtes, tu sais bien que tu n'auras plus qu'une idée,
t'arrêter de nouveau!!! Tout à coup, mon pied droit prend son indépendance et décide de sortir de la
pédale...quelques instants plus tard, me voilà écroulée sur le bas-côté de la route, à l'ombre d'un des
rares arbres. Je n'arrive pas à récupérer; je bois mais ne peux plus manger. Heureusement, nous
avons eu la bonne idée d'emporter de la nourriture liquide très reconstituante; je ne parviens à en
boire que quelques gorgées, mais c'est toujours ça de gagner et, pour faire couler, j'absorbe un
infâme médicament pour la digestion. Mais il faut repartir car le temps tourne; je râle, je suis
pessimiste (je me demande comment je vais aller au bout de cette aventure...si je commence à
calancher dans ce petit col, qu'est ce que ce sera dans le Ventoux?!?), je râle de plus belle...je sais
que c'est pénible mais cela me permet de retrouver de l'influx; heureusement que Didier commence
à me connaître et sait comment je fonctionne...le pauvre, je mets sa patience à rude épreuve!
Nous voilà repartis; je me traine toujours mais le coup de chaud semble être passé; je rejoins à mon
train de sénateur apoplexique Didier au col...ouf, que ça a été dur!
Petit photo (18h40) et nous entamons la descente vers Sisteron; descente qui remonte évidemment
immédiatement; je me doutais bien qu'il y aurait un “truc” car, jusqu'à présent, la SRHP ne nous a
pas laissé beaucoup de répit; il y a donc peu de chance que cela change; quelques côtes plus loin, la
descente se fait enfin plus franche et plus longue; nous passons dans le magnifique défilé de la
Pierre Ecrite qui doit son nom à la stèle antique portant des inscriptions en latin commémorant le
passage en ce lieu d'un ex Préfet des Gaules; il y fait frais, c'est divin, par Jupiter! Nous apercevons
enfin Sisteron que nous atteignons après une superbe descente très aérienne. Il est 19h40, nous
décidons de manger en ville pour avoir le temps de digérer avant d'attaquer le prochain gros
morceau de la SRHP, la Montagne de Lure.
Nous dînons dans un restaurant au pied de la citadelle; le patron est très compréhensif car nous ne
sommes pas les premiers randonneurs à faire escale chez lui. Didier mange d'un bel appêtit
(“comme d'habitude”diront certains!); moi, j'ai moyennement faim mais je réussi tout de même à
manger correctement. Durant le repas, me revient en tête une remarque de Sophie dans un de ces
récits sur la SRHP: “Sisteron, ce n'est que le kilomètre 237, pas même la moitié du parcours, et nous
avons déjà encaissé l'équivalent d'un BRA...” Glooopps!!! Mieux vaut que je chasse ce genre de
pensée de mon esprit...Nous profitons également de cette pause au milieu de la civilisation pour
faire un brin de toilette et remettre de la crème anti-frottement là où il faut: ça a chauffé dans les
cuissards toute la journée et ce n'est pas fini!
Lorsque nous repartons, le jour décline; il est donc plus prudent de nous mettre en configuration
nuit, surtout que nous devons emprunter pendant quelques kilomètres la D4085 où la circulation est
assez dense.
Nous quittons la D4085 à Peipin (j'espère que le nom de ce village n'est pas un mauvais signe!)
pour rejoindre, par une route plus calme mais plus vallonnée, Saint-Etiennes-les-Orgues, notre
prochain pointage et commune située au pied de la Montagne de Lure. Nous arrivons à 22h33 à St-
Etiennes, espérant pouvoir faire le plein des bidons avant d'attaquer la montée car il n'y aura plus
aucun point d'eau avant d'avoir atteint la vallée du Jabron, de l'autre côté de la Montagne de Lure.
Hélas, la fontaine est à sec; heureusement, un monsieur, qui prenait le frais dehors devant chez lui,
nous propose de remplir nos bidons avec de l'eau bien fraiche; il nous demande ce que nous faisons
et s'inquiète de nous savoir dans la Montagne de Lure en pleine nuit. Il nous propose alors de
prendre son numéro de téléphone pour qu'il puisse aller nous chercher en voiture en cas de
problème.
Voilà un des charmes de la pratique de la randonnée: rencontrer des gens sympathétiques,
accueillants et serviables.
Nous attaquons la Montagne de Lure par une rampe qui casse bien les jambes; heureusement, les 18
kilomètres menant au sommet ne seront pas tous de cet acabi; la montée est assez régulière avec de
temps à autres des parties plus pentues. Didier est parti devant, chacun ayant adopté le rythme qui
lui convient; j'aperçois son feu rouge arrière, le perd de vue au détour d'un virage puis le retrouve.
Rouler seule dans la nuit, en pleine nature a quelque chose de magique et d'exaltant; j'avais déjà
goûté à ce plaisir lors de Bordeaux-Paris, deux semaines auparavant; vivre des instants comme ceux
-là justifie largement les efforts consentis.
Rouler de nuit peut également provoquer quelques émotions: alors que je ne vois plus la loupiotte
de Didier depuis un certain temps, je réalise que je m'engage sur une route qui semble descendre
alors que je n'ai pas encore atteint le sommet; le doute m'assaille, je m'arrête et remonte; en effet,
j'avais loupé la route qui continuait tout droit; mais je ne suis pas sûre de moi; c'est Didier qui a la
carte et je ne le vois plus; de plus, je sais qu'il a éteint son téléphone portable. J'ai un moment
d'inquiètude. Tout à coup, je crois apercevoir les phares d'une voiture qui remonte de la “mauvaise”
route; en fait, c'est Didier qui a fait la même erreur que moi (la puissance de sa dynamo-moyeu
m'étonnera toujours!); j'avoue être un peu rassurée.
Nous profitons de ce contretemps pour faire une petite pause; nous éteignons nos lampes et
admirons un magnifique ciel étoilé que l'on ne peut voir que loin des villes et de leur pollution
lumineuse.
Nous voilà repartis, seulement guidés par les lumières clignotantes du relais de télécommunication
situé au sommet; sommet où nous ne nous attardons pas; nous basculons de suite dans la descente
car le panneau de pointage du Pas de la Graille se situe 3 kilomètres plus bas. J'ai le tort de ne pas
enfiler mon imperméable, la température étant franchement plus basse de ce côté de la montagne; je
tremble de froid lorsque nous arrivons au panneau à 00h57. La photo, le k-Way et nous repartons
dans la descente que Sophie nous avait dit être particulièrement mauvaise; Didier ouvre la route
avec son phare puissant, je lui colle à la roue, prête à réagir à la moindre de ses indications.
Finalement, la descente est moins pénible que prévue et se passe bien; de plus, nous n'avons fait
aucune mauvaise rencontre avec un sanglier ou une biche, une de nos craintes.
Nous commençons à remonter la vallée du Jabron et décidons de nous reposer quelques heures; à
Saint-Vincent-sur-Jabron, Didier repère, de son oeil d'expert en matière de “pause dodo à l'arrache”,
une cabine téléphonique qui tient plus de l'abri bus; nous nous y installons le plus confortablement
possible et tentons de trouver le sommeil...sommeil qu'évidemment je ne trouve pas, comme
d'habitude dans ce genre de cas. J'entends Didier ronfler pendant quelques minutes, le veinard! Mais
même sans dormir, cette pause de 2h30 me permet de reprendre quelques forces.
Nous repartons alors que le petit matin commence à poindre. La journée s'annonce belle et très très
chaude, comme la suite du programme de la SRHP d'ailleurs... Le gros objectif suivant est le Mont
Ventoux mais pour parvenir à son pied, nous devons escalader une série de cols et de côtes: le col
de la Pigière, le col de Macuègne, le col des Aires, le col de Fontaube via le beau village de
Montbrun-les-Bains. Je suis un peu en terrain connu car j'ai fait deux séjours cyclistes dans la
région; je sais que ces cols, en temps normal, ne sont pas très difficiles, mais avec plus de 300
kilomètres dans les pattes, il s'agit de se la jouer modeste et raisonnable; de toute façon, ma forme
du moment ne me permet pas autre chose; je suis déjà contente de pouvoir suivre Didier qui semble
être bien. Dès le col de Macuègne (6h33), apparait la silhouette à la fois fascinante et menaçante du
Ventoux; au sommet du col de Fontaube (7h30), la menace se précise: Il est là, tout proche et si
lointain; je sais que la partie ne sera pas facile pour le vaincre.
Mais chaque chose en son temps: pour l'instant, il faut songer à rallier Malaucène. Et comme dans
la SRHP, rien n'est aisé, il faut encore batailler avec des côtes (le Pas du Voltigeur) et des petits cols
(je n'avais pas remarqué le col de St Michel sur la carte!). Nous arrivons enfin à Malaucène à 8h45
et avisons rapidement la boulangerie. Hélas, j'ai du mal à avaler quelque chose. J'achète tout de
même deux parts de pizza et une patisserie locale en guise de provisions pour la route entre le
sommet du Ventoux et Sault. Des gens sympathiques nous abordent et nous interrogent sur notre
périple mais je dois leur sembler bien peu aimable et bien peu bavarde: j'avoue que je suis
préoccupée par l'ascension à venir; je sais que je parviendrai au sommet mais en combien de temps
et dans quel état?
Mais quand il faut y aller, faut y aller! A 9h25, nous enfourchons nos vélos...c'est parti pour le
Ventoux! Je connais la montée par Malaucène pour l'avoir faite l'an dernier; elle est globalement
aussi difficile que le versant Bédouin mais elle est différente; dans mon souvenir, on y est moins en
prise, avec quelques zones de récupération; cela me rassure un peu. Je pars tranquillement et laisse
filer Didier qui est bien plus costaud que moi; nous nous donnons rendez-vous au sommet mais j'ai
mauvaise conscience de devoir le faire attendre longtemps dans le froid surtout si je calanche en
route. Je me concentre sur la route, prends mon rythme, lent certes, mais je progresse régulièrement.
Moi qui d'habitude, dans le Ventoux, double beaucoup de cyclos, là, je suis avalée par la majorité
d'entre eux mais qu'importe, mon seul but est d'arrivée en haut. Tout se passe bien jusqu'au 10e
kilomètre; puis pendant 3 kilomètres, la pente devient rude (9, 10, 11%) et sans répit; je ne me
souvenais pas de ça!!! de plus, une envie de dormir commence à me prendre, je zizague sur la route
car ma vitesse est descendue à la limite des lois de la physique et le sommeil m'entraine vers le
rebord; je me donne quelques claques; j'essaye de rassurer le cyclo hollandais qui roule derrière moi
et qui doit me prendre pour une folle; je lui explique, en anglais, la situation. Ce petit intermède a au
moins le mérite de me réveiller. J'ai envie de m'arrêter mais surtout pas dans cette horrible pente car
je ne sais pas si je serais capable de repartir; en fait, je me donne comme objectif la station de ski du
Mont Serein car la route y est plus facile. Quand j'y parviens enfin, je m'arrête précipitamment dans
le rond point car s'y trouve quelques arbres salvateurs: il y a du monde qui passe mais tant pis, je
dois absolument faire une escale technique! La preuve, qu'au moins, je m'hydrate
correctement...Petit pause de 10 minutes et je repars pour la dernière étape; c'est toujours difficile
mais lorsque j'atteins la partie pierreuse, je sais que je tiens le bon bout; encore deux virages, un
virage, l'émotion commence à m'étreindre et à me serrer la gorge; je m'oblige à me calmer pour
avaler les derniers mètres; l'arrivée au sommet est un peu agitée, je suis obligée de faire ma place
sur la route en criant car il y a beaucoup de cyclos et surtout des voitures qui circulent ou tentent de
se garer n'importe comment; ouf, ça y est...il est midi, je suis sur la plate-forme d'arrivée; j'ai la
larme à l'oeil: se faire le Ventoux avec 400 bornes dans les jambes, c'était pour moi un sacré défi et
c'est un soulagement d'avoir réussi...la SRHP n'est pas dans la poche, mais une grande marche vient
d'être franchie.
Je retrouve Didier qui m'attend tranquillement au milieu de la foule de cyclos; c'est toujours un
plaisir de voir des gens originaires du monde entier venus faire LE Ventoux; chacun a gravi à son
rythme (il y a tous les niveaux) et à sa façon (du VTC au vélo de route ultra light) un mythe. Nous
profitons du spectacle et d'une...pause bien méritée. Petite photo pas très bien cadrée de la borne
sommitale (le panneau du sommet a disparu!) et nous entamons la descente par Bédouin. Je suis
prudente à cause des nombreux cyclos et voitures, notamment aux abords de la stèle Simpson; le
chalet Reynard et hop, à fond! Enfin, à fond...voilà que je commence à ressentir les premiers effets
d'une hypoglycémie (je n'ai quasiment rien pu avaler au sommet); je résiste, je me dis que je vais
attendre le bas de la descente pour me ravitailler; mais rien n'y fait, je préfère m'arrêter; pas le
moment de voir des petites étoiles en pleine descente. Didier est obligé de stopper également; le
pauvre, quel boulet je fais! Je suis à la limite de la fringale mais je suis toujours incapable de
manger: j'ai bien deux parts de pizza et une patisserie que je traine dans ma sacoche depuis
Malaucène, sans parler des barres de céréales et autres pâtes de fruit qui ramolissent dans mes
poches de maillot depuis le départ, mais impossible d'y toucher; dans ce cas, la nourriture liquide
s'avère providentielle; quelques gorgées et c'est reparti.
Celui qui pense que le Ventoux marque la fin de difficultés de la SRHP se trompe lourdement: la
surprise du chef (ou de la cheffe en l'occurence) l'attend! Au bas de la descente du Ventoux, à
Sainte-Colombe, nous tournons à gauche, direction Flassan et...le col des Abeilles. Ce n'est pas une
surprise pour moi car je connais le coin et particulièrement ce col; d'ordinaire, je le trouve assez
facile et agréable à monter mais avec les kilomètres et la chaleur, je sais que la donne ne va pas être
la même; et en effet, Flassan à peine dépassé, nous entrons littéralement dans un four; nous montons
en plein cagnard, pas un souffle d'air, pas l'ombre d'une ombre; Didier me précède de quelques
dizaines de mètres; tout à coup, au détour d'un virage, il s'arrête et me dit qu'il a besoin de faire une
sieste. Et le voilà qui se met en devoir de débroussailler sous les petits chênes verts qui bordent la
route pour pouvoir nous y installer. Malgré le feuillage, il fait encore très chaud; je ne dors pas,
comme d'habitude mais cet arrêt fait du bien et permet d'éviter l'heure la plus chaude de la journée;
j'essaye à nouveau de manger mais rien n'y fait: la pizza et la patisserie feront le bonheur des
fourmies!
Au bout d'une heure, il faut bien se décider à repartir; il fait légèrement moins chaud mais c'est
encore dur; gérer, toujours gérer... je suis tout de même bien contente de voir le panneau marquant
le col (15h45); une belle descente vers Sault nous attend...aaaahhh, Sault et son café avec terrasse
ombragée!
Nous refaisons les niveaux dans ce joli village touristique; la température en profite pour descendre
un peu mais il fait toujours chaud lorsque nous enfourchons nos vélos pour les 145 derniers
kilomètres; certains diraient “plus que” 145 kilomètres mais au moment de repartir, j'ai tendance à
penser “encore” 145 kilomètres; j'ai peur qu'ils soient longs, très longs; Didier prend une nouvelle
fois la tête, je m'applique à rester dans sa roue; le terrain est un peu moins difficile mais je me sens
bien incapable de prendre des relais. Après le pointage de Banon à 18h20, je me mets à avoir faim;
je crois que je mangerais un boeuf. Comme nous avons décidé de nous arrêter diner à Forcalquier,
je commence à fantasmer sur ce que je pourrais manger, j'imagine mon menu, j'en salive d'avance.
Nous avisons une pizzéria à l'entrée de la ville mais au moment de commander, mon bel appêtit a
disparu, c'est énervant et frustrant; j'ai du mal à avaler un plat de pâtes tandis que Didier s'offre
double ration pâtes/pizza! A la terrasse du restaurant, nous ne sommes pas beaux à voir et attirons
littéralement les mouches; Le patron, qui est un cyclo, nous indique que la route pour rallier notre
prochain pointage à Allemagne-en-Provence n'est pas facile du tout; mais ça, on s'en doutait un
peu...
Le jour décline lorsque nous repartons et la nuit tombe lorsque nous quittons l'axe routier un peu
important sur lequel nous roulions pour une route beaucoup plus petite qui serpente dans la
garrigue; nous sommes en fait sur un véritable tobaggan: ça monte, ça descend, ça monte, ça
descend. Heureusement, avec la nuit, la chaleur est tombée; de plus, rouler dans l'obscurité permet
de ne pas trop voir la route; tout en pédalant, je me dis que je n'aimerais pas faire cette route en
plein jour et en pleine chaleur. Et puis une autre chose me préoccupe: j'ai faim!?! A peine partie de
Forcalquier, la faim est revenue me tarauder; je n'ose rien dire à Didier sous peine de passer pour
une c..ieuse voire pour une folle; là, ça en devient comique...discrètement, j'essaye de grignotter des
barres de céréales (les premières depuis des lustres, comme quoi, j'ai bien fait de ne pas les jetter);
elles ont du mal à passer mais ça me remplit un peu l'estomac et me permettra d'éviter la fringale.
Didier a toujours un bon coup de pédale; je roule à 20 ou 30 mètres derrière lui; en fait chacun
adopte le rythme qui lui convient; dans les descentes, je laisse également un bon écart: cela est plus
prudent et me permet de rester plus attentive et donc de combattre le sommeil qui commence à
poindre son nez; et puis comme je chante ou crie (cela a également le double avantage de faire peur
aux animaux et de me tenir éveillée), mieux vaut pour la santé mentale et les oreilles de Didier que
je me tienne un peu en retrait.
Tour à tour, nous montons et descendons à travers les bois, parfois, nous devinons que nous
sommes sur un plateau cultivé (de lavandes?), puis nous redescendons dans la forêt pour mieux
remonter. Ce toboggan va durer une bonne cinquantaine de kilomètres avec quelques hésitations au
niveau de l'orientation; il n'est pas toujours facile de retrouver son chemin la nuit, au milieu de la
pampa, sur des routes sans panneau; heureusement, le roadbook est clair et Didier, le GPS humain,
a bien préparé son affaire, cartes à l'appui.
Nous nous arrêtons quelques minutes à Allemagne-en-Provence, le dernier pointage avant Carcès:
une photo (23h27), un dernier plein de bidons et c'est reparti pour l'ultime étape!
Peu à peu, la route se fait moins tortueuse, plus plate. Sur les panneaux routiers, commence à
apparaitre le nom de Cotignac, puis de Carcès. Nous tenons le bon bout! A l'approche de l'arrivée,
tous les voyants cyclistes passent au vert: une belle route en faux plat descendant, le vent dans le
dos; comme si les dieux du vélo se mettaient de notre côté pour nous permettre de finir de façon
idéale cette superbe randonnée! Nous mettons la plaque et commençons à accélérer, on se croirait
presque à la sortie du dimanche...Cotignac! Nous reconnaissons la route que nous avons empruntée
il y a deux jours; là, le coeur est plus léger, les jambes finalement pas si lourdes que ça; l'odeur de
l'écurie sans doute! Nous continuons à enrouler du braquet, l'air est frais, la route est belle et facile,
c'est parfait...lorsqu'apparait le panneau d'entrée du village de Carcès, une grande joie m'envahit: ça
y est, on l'a fait!!! C'était dur, c'était beau, mais on l'a fait!
Nous nous photographions chacun à notre tour devant le panneau...nous sommes mardi, il est 2h20
du matin, cela fait 45h30 que nous roulons.
La SRHP est finie mais pas nos efforts: il nous faut encore remonter la route qui mène chez Sophie;
les trous et les bosses sont finalement moins pénibles en montée; et puis nous avons le coeur léger.
Quelle joie de retrouver Sophie qui nous attend; nous l'avions tenue au courant de notre
progression, elle savait que nous allions finalement boucler sa rando mais je crois qu'elle était un
peu inquiète tant que “ses poulains” n'étaient pas rentrés sains et saufs à la bergerie (écurie?).
Puis, nous avons discuté et discuté encore, refait la rando, le vélo et le monde jusqu'à 5h00 du
matin. Mais il est temps d'aller me coucher, après avoir vécu, comme dans un rêve, cette Super
Randonnée de Haute Provence.
Marie-Noëlle.
Remerciements:
Merci à Sophie Matter pour avoir imaginé, créé et homologué la Super Randonnée de Haute
Provence; merci pour sa passion communicative, sa générosité et son accueil. A certains instants
difficiles, j'ai pensé à elle en me disant que je ne pouvais pas abandonner, qu'elle comptait sur moi;
bref, qu'il me fallait être digne de sa confiance. Cela paraitra peut-être ridicule à certains, mais
d'autres comprendront qu'on ne s'engage pas sur ce type de parcours sans avoir passé un contrat
moral avec soi-même.
Merci à Didier Hume pour sa présence, sans lui, je n'aurais jamais osé m'engager dans une telle
aventure; merci également pour sa patience (et il en faut pour me supporter!) et pour avoir préparer,
comme d'habitude, des cartes aux petits oignons; je n'avais plus qu'à suivre! Finalement, on ne fait
pas une si mauvaise équipe que ça.
Pour en savoir plus:
J'invite tout le monde à consulter le superbe blog de Sophie, pour découvrir toutes ses aventures de
cyclote au long court: http://randospirit.blogspot.com/
Un blog passionnant et inspirant.
Et pourquoi pas se lancer dans la SRHP? Je ne cacherai pas que la version Randonneur demande un
très bon entrainement physique et une belle motivation; mais la version Touriste est plus abordable
bien que ses difficultés ne soient pas négligeables du tout, loin de là! Si cela vous intéresse, rendez-
vous sur le site de Sophie ou sur celui de l'Audax Club Parisien
http://www.audax-clubparisien.com/FR/
Faites le savoir, la Super Randonnée de Haute Provence le mérite vraiment!
Pour les matheux:
La SRHP en chiffres:
– 609 kilomètres sur le papier
– environ 12000 m de dénivelé
– Temps maximum autorisé: 50h00 soit 12 km/h
– 615 kilomètres à mon compteur (remontée vers la bergerie comprise soit 2,5 km)
– 45h30 total pour 31h20 de roulage effectif (hmm, va falloir améliorer les temps d'arrêt!)
– 19,84 de moyenne
[Intro : Pat - Texte : Marie No - Photos : Marie No et Didier]