Quel salmigondis, quelle ratatouille de sigles et acronymes, tous plus impénétrables les uns que les autres !
Le signe sûr que là vous êtes dans l'ultra world !! Bon, perso, je trouve que toutes ces lettres font un peu prétentieux - elles ont l'air de dire à l'ignorant de service, passe ton chemin, c'est pas pour toi ! Et si vous les déclinez ces sigles et acronymes, vous ne plongez pas pour autant dans la simplicité et la modestie : Raid Provence Extrême, Race Across the Alps, Race Across America...Bref, vous calculez vite que tout ça c'est pas pour les mauviettes, pas pour les cultivateurs de l'ordinaire, pas pour les mimiles du vélo dominical. Erreur fatale ! Bien sûr, vous y trouverez des OVNIS/UFOs, des extra-terrestres, des fous de l'extrême sous toutes ses formes, dans ce monde parallèle. Mais pas que ! Puisque je m'y invite de temps en temps dans ce monde, oh bien sûr je ne fais qu'entrebailler la porte et j'entre sur la pointe des pieds, je fais deux trois petits tours et hop je m'en vas....parfois avant l'heure d'ailleurs !
Mais où c'est-y que je voulais en venir ? Ah yep...tout ça pour vous dire que là, en ce moment, j'en ai plein la tête de ces sigles et acronymes. Y'a plus que ça qui surnage dans la confusion de mes pensées.
Un coup m'vla à repenser au RPE et au pourquoi du comment j'ai pris la décision d'abandonner, au petit matin, à Céreste.
Vite, en express, pour ne plus y revenir :
André malade la semaine d'avant, impossible pour lui de prendre part au RPE....dur dur de le laisser seul, encore très mal en point, et de descendre seule avec Jean Yves sur St Rémy.
Ai trop tardé à rendre visite à Patrice, mon doc de très haute confiance - j'avais le bassin déplacé suite à ma chute sur la Diago et une remise en place seulement 4 jours avant le départ c'est pas top.
Le carton jaune de la stupidité : à Aurel, premier ravito, je me presse de remonter sur mon vélo, un sandwich à la main, ne prends pas garde au sol en dévers et hop c'est la chute à l'arrêt en plein sur le genou gauche......aarghhhh ! (bien sûr les douleurs ne tardent pas, je les ai minimisées par la prise d'un ibuprofène, mais comme ensuite je n'ai plus été capable d'avaler grand chose.....
Alimentation à base de 640, ça c'est top, et bidons d'eau en abondance pour faire passer tout cela - là j'assure un max, mais second carton jaune de la stupidité : j'omets de manger du salé aux ravitos, je n'ingurgite que des trucs sucrés....
Bon vous aurez remarqué, au second carton jaune, j'aurais dû être expulsée du terrain ! Je ne le fus pas instantanément , mais mon expusion était devenue inéluctable !
A Aiguines, je peux à peine me forcer à avaler quelque chose, j'ai déjà des nausées et là je me rends compte que tous mes vêtements chauds sont dans le sac de Lapalud - là c'est le carton violine, j'ai froid malgré la montée et lorsque je suis dans les parties d'ombre je grelotte, mon abdomen se durcit, c'est fini je ne pourrai plus rien avaler jusqu'au lendemain matin, et pourrai à peine me réchauffer une fois mes vêtements chauds enfilés à Lapalud aux environs de minuit !
Enfin, le comble, je tombe de sommeil dès la sortie des gorges ! Moi qui n'ai jamais sommeil la nuit, qui au contraire me sent comme neuve d'habitude....je ferai donc plusieurs haltes, à Puymoisson, au ravito de Valensole et enfin à Beaumont les Pertuis (où je dors 30 mn, au chaud sur le sol du lavoir dans le centre du village). Mais je suis épuisée, et l'évidence s'impose d'un coup : à quoi bon continuer, à quoi bon m'épuiser physiquement et mentalement et compromettre définitivement mes chances de finir la RATA dans à peine 3 semaines ?
Et là, pour la première fois depuis la montée sur le plateau de Valensole, je me sens alerte et joyeuse !! C'est la bonne décision, la seule chose à faire....donc Céreste sera le terme de mon RPE 2009, à 7h00 du mat', après 390 bornes, dont la plupart ont été parcourues sur un mode plutôt négatif.
Et après m'être un peu beaucoup pris la tête avec mon RPE manqué, v'latipa ke c'est la pensée du Crazy Gone (Dominique Briand) qui affleure à la surface : mais comment fait-il pour rester zen alors qu'il part à la RAAM dans quelques jours ? Où ont-t-ils trouvé, lui et Anne-Marie son épouse, la motivation et les ressources nécessaires pour penser, mettre en place, organiser une logisitique pareille ? Et comment fait-il pour ne pas paniquer, prendre ses jambes à son coup et se carapater à l'autre bout de l'univers, alors que là, dans une semaine, il sera sur la ligne de départ avec 4900km à couvrir non stop ?! C'est dingue, impensable......je ne réussis pas à 'com-prendre' un truc pareil....Alors je cherche des réponses sur le site de la RAAM, dans les vidéos, les témoignages, les écrits. Et en attendant, je commence à alimenter quotidiennement
le blog de Dominique Crazy Gone. Du coup, à lire et entendre tous 'ces fous et ces anges en quête de l'impensable', je m'enflamme ! Et la RAAM me ramène à cette RATA à laquelle je me suis engagée cet hiver, et pour laquelle nous partirons, André, Jean Yves, Marie Noëlle et moi, mercredi prochain....tiens le jour où Dominique s'élancera pour 4900 km sur le territoire américain ! Je l'avoue, envisager ce qui attend Dominique et tous les autres engagés solos sur la RAAM me rassure sur mon propre sort ! Après tout, ce n'est QUE la RATA !! Et puis, mon désir de RATA est comme avivé, fouetté par la folie frappée au coin du bon sens et de la liberté de tous ces ultras chevronnés.
Bienfait donc de me dé-centrer, de m'intéresser davantage au défi incroyable que tous les soloistes de la RAAM se sont lançés à eux-mêmes.
Parcequ'il faut bien le dire, après le RPE, le doute s'est quelque peu installé dans mes pensées, en boucle. Trop vieille, trop lente, trop ambitieuse, trop fatiguée.......pas assez en forme, pas assez aguerrie mentalement, pas assez expérimentée, pas assez rapide en montée.....Du trop de rien au pas assez de tout ! Mes errements psychologiques et linguistiques (lesquels ont la préséance ?!) m'ont systématiquement ramenée à THE question : "Mais qu'est-ce que tu vas aller foutre dans cette galère, nom de Dieu ?!"
Je vous fais grâce du reste des propos désillusionnés qui ont hanté mes heures nocturnes....et diurnes !
Of course, cela va sans dire, le physique se désagrège au rythme de l'affaissement mental....mais là encore, lequel a la préséance ?!
Enfin, to make a long story short, me voilà à peu près en condition pour affronter mon propre défi, après un bon épisode dépressionnaire.
Ouf ! Pour le reste, la suite de l'histoire nous le dira !
Mais sûr que j'ai le goût, l'envie, le désir retrouvés de me hisser jusqu'aux sommets (...allez, je ne peux résister, c'est le plaisir gourmand d'une dévoreuse de mots et de mythes cyclistes qui m'y pousse, je vous la récite la litanie des cols au programme de la RATA...) du Reschenpass, du Stelvio, du Gavia, de l'Aprica, du Mortirolo, de l'Aprica (non, ce n'est pas une erreur, deux fois de suite), de la Bernina, de l'Albula, du Fluëla, de l'Ofenpass, de l'Umbrail, du Stelvio (là non plus, toujours pas une erreur !) et pour finir le Reschenpass à nouveau, pour une conclusion !
Je connais déjà nombre d'entre eux, je les aime plus que de raison, je crois. J'aime le Stelvio/Stilfserjoch et l'Umbrail passionnément. A la folie. Et je redoute le Mortirolo, probablement plus que de raison également !
Alors il ne me reste plus qu'à espérer que je serai portée par mon désir pour ces montagnes splendides, pour ces paysages qui vous happent, vous dérobent à vous-même tant ils sont spectaculaires, pour ces routes où tant de fous de la petite reine auront posé leurs roues avant moi pour y parcourir toute la gamme si étendue des émotions et sentiments cyclistes et humains.
Je sais aussi que je serai portée, soutenue par le sentiment d'amour qui me relie à André, par le sentiment d'amitié qui me relie à Jean Yves et Marie Noëlle. Et que si j'arrive au bout de la route de la RATA, ce sera sûrement avant tout pour eux trois, pour nous quatre. Pour que nous puissions connaître ensemble cette joie incomparable, ce bonheur indicible, de franchir ensemble la ligne d'arrivée, d'avoir su mener à terme une aventure choisie par nous.
Allez quelques photos pour faire passer ce gros bout de texte indigeste !!
Ce sont des photos que nous avons prises lors de nos vacances à Zernez (Suisse) et Isolaccia (Italie) en 2006 - elles vous donneront un aperçu de l'ambiance RATA !
Le centre de Zernez
André au sommet du Stelvio !
Vue sur le glacier Ortles depuis la montée du Stelvio
André devant le Mémorial Pantani dans le Mortirolo....euh là
j'étais restée au camping ! De toute façon, y'avait qu'une seule
roue équipée d'une cassette 13/29....c'est donc André qui a eu le
privilège de la monter sur son Colnago !
Le somptueux village de Bergun, dans la descente de l'Albula
Sommet de la Fluëla
Sommet de la Fluëla : le lac de montagne
Montée de l'Umbrail: ciel d'azur
Sommet de l'Umbrail....j'adore le tag insolite !
Voilà ! une fois encore, tout ça pour ça : dire que l'ultra c'est pas seulement le monde des UFOs. Qu'il y a aussi place pour des cyclistes ordinaires comme moi. Et surtout que l'ultra est une affaire de désir, avant tout ! De confiance et de désir. Et que même la plus professionnelle des logistiques ou assistances, que même l'approche la plus scientifique ou sportive, n'y changeront rien (évidemment, tous ces éléments influeront notablement sur la performance....mais ce n'est pas de cela dont je vous entretiens) ! Seul le désir compte pour avancer avec un tel projet.
Bien sûr, vous n'avez pas tort, je vends la peau de l'ours avant de l'avoir tué (beurk ! quel sinistre adage populaire !!) - ça c'est clair !
Mais si tout va bien......vite, vite, touche du bois......dans une semaine nous partons direction Nauders, puis deux jours après, à midi, ce sera le départ de la RATA. Ensuite, advienne que pourra - le départ aura été pris, n'est-ce pas là l'essentiel ?
Le site de la RATA :
ICI Et le programme qui nous attend, dans ses grandes lignes : - mercredi 17 au matin, départ en mini-bus (loué chez Carrefour) pour Nauders via Chalon, Besançon, Bâle, Zurich, Davos, Scuol (environ 800 bornes)
- arrivée à Nauders dans l'après midi. Logement dans un appartement loué par la famille Klappeer à Nauders ; courses au supermarché de Nauders
- jeudi matin : courte sortie vélo pour moi, accompagnée par mon équipe pour mise en place de la routine assistance
- repos puis jeudi fin d'après midi : briefing avant course
- vendredi 19 : départ dans la rue principale de Nauders à 12h00 ; présentation des coureurs dès 10h00
- à partir de là, 32h00 nous sont allouées pour parcourir les 533 km et 14500 m de dénivelé au programme ; il s'agit donc d'une course non stop, effectuée de jour et de nuit, sans aucun repérage au sol ou dans les airs : le coureur et son assistance doivent connaître leur roadbook sur le bout des doigts afin d'éviter erreurs et hésitations ; au sommet de chaque col, l'assistance doit envoyer un sms pour signaler l'heure de passage - un seul véritable point de contrôle : au sommet du Mortirolo....donc pas de ravitos sur le parcours, les pleins auront dû être faits auparavant. Voilà pour les règles !
- le parcours : droit sur le Reschenpass (1560 m d'altitude), puis Mals, Prad et la montée du Stelvio (2757 m d'altitude, avec des passages à 10%) ; puis la descente sur Bormio, où nous prendrons la direction des Santa Catharina et du col du Gavia (2655 m d'altitude avec des pourcentages inégaux, pouvant aller jusqu'à 12 %....pas facile le Gavia, la fin est même très difficile) ; à partir de là, il fera probablement nuit : longue descente sur Ponte di Livignio, puis Edolo ; col de l'Aprica (1176 m) puis boucle via Tresendo, Tirano, Mazzo di Valtelina et c'est parti pour la montée du Mortirolo (1846 m d'altitude, de longs passages à 16-18%). Ensuite retour à Edolo, re-le col d'Aprica, Tresendo et Tirano à nouveau et nous attaquons le très long col de la Bernina (2330 m d'altitude). Toute cette partie nocturne nécessitera une grand vigilance : changements de direction, traversée fréquente de petites villes, une vingtaine de km avec des voies de tram qui traversent la chaussée à tout bout de champ. Descente sur Samedan (attention voies de chemin de fer extrêmement piégeuse !!) puis faux plat jusqu'à La Punt où nous tournons pour aborder les premières pentes très raides et sinueuses de l'Albula (2306 m d'altitude). Suivront la longue remontée sur Davos et la Fluëla (2309 m d'altitude), Zernez, le col Ofenpass et le village de Santa Maria où commence la montée de l'Umbraï, plutôt raide au départ.....les choses se compliquant à mi-pente puisque le goudron laisse la place à un revêtement de terre. L'Umbraï, à 2505 m d'altitude, est en fait en contrebas du Stelvio - il ne restera alors que 5 km environ de montée pour rejoindre le sommet du Stelvio, puis la descente via les multiples virages en épingle (faudra être lucide !) et fin du parcours à rebrousse-parcours de la veille puisque nous finissons par le Reschenpass, beaucoup plus difficile de ce côté-ci...et ensuite Nauders !
- mon rêve : finir sous les 40 heures, très probablement hors délai, mais qu'importe !
- mon délire : finir en 32 heures, dans les délais !!
[Texte et mise en page : Patricia]