Remarque liminaire :
Jeff a écrit ce récit de son Paris Brest Paris quelques semaines après l'avoir effectué.
Il a porté les couleurs du club FFCT de Gannat sur les routes qui nous ont menés de Paris à Brest et retour....enfin couleurs bien cachées sous les vêtements anti-pluie.
C'est avec Jeff et Pascal, Bernard, Alain, Richard et Jean, tous du club de Gannat (Allier), ainsi qu'avec Patrick, Gérard et parfois Jean Paul, que nous avons constitué une équipe solidaire pour les brevets qualificatifs du Paris Brest Paris.
Ils ont accepté si gentiment et si simplement de me faire une place dans leur groupe de copains de longue date, alors qu'ils ne me connaissaient pas du tout, que j'y songe encore avec émotion et reconnaissance. Et dire que certains accusent les cyclos d'être machos ! Ils ont été adorables toujours, plein de prévenance mais sans aucune ostentation ou condescendance. Bref ils sont devenus mes amis. Et sans eux je n'aurais jamais fait Paris Brest Paris. Car je ne me serais jamais lançée seule sur les routes nocturnes des brevets qualificatifs.
Bien sûr, Jeff a une place toute particulière puisque nous avons effectué PBP ensemble (à l'exception de 2 étapes). C'est bien sûr une expérience inoubliable. Tous les deux nous avons des moments exceptionnels en partage. Nous connaissons le pire et le meilleur l'un de l'autre. Donc nul besoin de faux-semblants entre nous deux. Une grande amitié nous lie. L'un des bonheurs durables de ce Paris Brest Paris 2007.
Depuis, Jeff, Pascal et Patrick ont rallié les couleurs fuschia de l'UC Creuzier (mon club Ufolep - je fais partie du DH VICHY pour mes activités FFCT, mon club depuis mes débuts dans le vélo) pour pouvoir prendre part à des activités cyclistes type cyclosportives. Ils sont bien évidemment restés très proches de leur club FFCT de Vichy pour Patrick, et pour Pascal et Jeff leur club FFCT de Gannat, club qui force l'admiration car c'est le plus gros fournisseur de participants au PBP sur l'Auvergne alors qu'il dénombre une trentaine de membres seulement.
Je laisse donc la parole à Jeff........il est grand temps !! Et vous allez vous régaler et constater que le plus grand mérite de Jeff n'est peut-être pas d'avoir bouclé PBP mais bien de m'avoir supportée jusqu'au Gymnase des Droits de l'Homme à Guyancourt !
Patricia
De gauche à droite : Pat, Jean, Jeff, Bernard, Pascal, Alain, Richard, et Gérard.
Brevet Qualificatif 600 km de Bellerive - A mi chemin : Chambord
De gauche à droite : Pat, Pascal et Jeff
JEFF : en groupe sur le parcours - Dossard n° 176 |
|
Un Paris-Brest-Paris pour un randonneur cycliste, c’est un peu comme l’ascension de l’Himalaya pour un alpiniste « c’est l’aboutissement d’un rêve un peu fou ».
5157 randonneurs venus des 5 continents se sont élançés à la conquête des routes de l’Ouest sous un ciel plus que menaçant. Pluie, vent contraire, humidité 4 jours durant, résultat à l’arrivée 3636 ont terminé (au courage et parfois la rage d’arriver) ce périple exceptionnel de 1227km.
Redoutable pour les jambes et le corps certes, mais plus encore pour le mental et d’après l’A C P le PBP 2007 restera sans conteste l’un des plus difficiles des 16 éditions.
Lundi, nous voilà partis au contrôle. Patricia, Pascal et moi nous nous retrouvons avec le meilleur randonneur de l’édition 2003 (le hasard fait bien les choses). Pascal, le speedy du club prend sa roue de suite pour ne plus la quitter.
Nous avançons progressivement vers la ligne de départ pour nous retrouver avec nos compagnons de club Jean, Richard et Bernard, Pascal quant à lui s’est faufilé avec les meilleurs.
Ayé nous sommes sur la ligne du départ, l’adrénaline est à fond, vivement 20h que l’on parte, l’attente est interminable. Les questions commencent à se poser sur les conditions météo à venir et nous n'avons qu’une crainte qu’il pleuve, mais nous espérons trouver sur les routes de Bretagne des conditions météo plus clémentes.
C’est le départ, avec Patricia nous partons bien je suis dans sa roue et je ne la lâche plus, car pour moi un départ comme celui -là c’est une première, Jean et Richard sont retardés par une chute et Bernard a pris la poudre d’escampette. Nous sommes rejoints par Jean et Richard à Mortagne km140 qui rouleront par la suite à une demi-heure devant nous.
Au fur et à mesure de notre progression, « Eole et Dame pluie » se sont installés durablement sur le parcours. Arrivés à Fougéres mardi matin, la pluie et le froid nous tenaillent déjà et seulement 300kms parcourus. Un petit déjeuner, on pointe et c’est reparti pour 50 kms jusqu’à Tinteniac sous une pluie battante.
Quelques kms après Fougéres, Patricia s’écrie ha pétard !! Jean-Marc, je me suis dit une connaissance ? Pas du tout, c’est Jean-Marc VELEZ adepte de l’ultra distance il vient de faire la RAAM, la traversée d’Est en Ouest des Etats-Unis. Et là il a fallu que je crève, malheureusement J-Marc s’est envolé, enfin! J’aurais eu l’honneur de rouler avec un costaud.
Tinteniac, va on pointe et on s’en va aussi sec mais toujours sous la pluie. Direction Loudéac, la météo nous laisse un peu de répit mais ça repart de plus belle à l’approche de Loudéac. Arrivés à Loudéac nous décidons de prendre un repas et là nous apercevons Jean et Richard, nous nous en approchons, Jean les yeux rougis par la pluie et la fatigue nous annonce l’abandon je reste sans voix et le doute s’installe en moi. Si eux abandonnent avec toute l’expérience qu’ils ont le prochain sera peut- être moi, mais je me vois déjà me faire botter les fesses par Patricia si j’ose prononcer ce mot : Abandon.
Nous partons pour Carhaix et là, sous une tempête, surprise ! Le temps se dégage, après l’orage, le soleil est timide mais suffisant pour recharger les accus.
A cette étape, j’ai l’impression de m’envoler mes jambes tournent comme des bielles parfaitement graissées et c’est une étape des plus cabossées. Nous emmenons avec Pat tout le peloton qui s’est formé derrière. A l’approche de Carhaix nous croisons les premiers ayant tourné à Brest au nombre d’une vingtaine, j’essaye d’apercevoir Pascal mais en vain il n’est pas là.
Arrivé à Carhaix, je me soucie plus de Pascal que de moi-même et j’aperçois George qui me dit que tout va bien, il a fait l’étape Brest-Carhaix à plus de 30 de moyenne (pas mal après plus de 600kms) et il repart à 1h du groupe de tête.
Nous on se restaure, soupe depuis le matin, en plein mois d’août je n’ai jamais autant mangé de soupe, 3 fois par jour. Mon objectif était d’atteindre Brest avant un premier repos sérieux et c’est l’erreur d’un PBP attention aux objectifs pour des néophytes comme nous sur ce type de rando.
Nous repartons pour notre 2ème nuit blanche et après quelques kms Pat commence à avoir des coups de fatigue assez sérieux les zig-zags se succèdent et un arrêt s’impose. Un bar d’ouvert, l’aubaine on s’arrête Pat est bien entendu l’attraction, une nana sur PBP ! Un café et une cigarette pour madame, pas mal pour une sportive ! Il paraît que cela réveille.
Faux ce n’est pas le cas, car 20 kms plus loin obligés de s’arrêter pour faire un petit somme d’une demi-heure sur un calvaire, quel calvaire !
On repart pour monter au Roc Trévezel, le point le plus haut du PBP une fois en haut on devine les lueurs de Brest, allez Pat on y est presque! Et à partir d’ici la route est interminable ça monte et ça descend tout le temps.
Enfin nous arrivons à Brest, en 2 fois plus de temps qu’on aurait du mettre, une bonne collation, une douche et un lit picot dans un gymnase ou 400 personnes doivent dormir, c’est géant !
A 7h30 je suis réveillé par une main hésitante celle de Pat, car je dormais comme un loir, le réveil est dur je me lève et je m’aperçois que je suis le dernier. Le petit déjeuner pris, mes parents arrivent pour nous donner des affaires de rechange comme convenu, mais cela n’en finit plus et nous perdons du temps.
On repart de Brest vers les 10 h pour le chemin du retour direction Carhaix. Pat souhaite rouler seule, ce que je mis du temps à comprendre et nous roulons une partie de la journée chacun de notre côté.
Nous nous rejoignons à Loudéac pour affronter la nuit, Pat est toujours un peu sous tension et en chemin on s’arrête dans une pharmacie prendre je ne sais quoi, il parait qu’il faut le boire cela évite une fringale, je m’exécute et au passage je me fais traiter de mollasson !
Nous arrivons à Tinteniac dans la soirée, de suite nous réservons une chambre pour quelques heures de sommeil et nous allons souper. Au retour du souper 10 personnes attendent pour dormir, heureusement que nous avons réservé, une douche et au lit pour 2 h30 de sommeil (il est minuit). Réveillé à 2h nous décidons de nous lever j’ai l’impression de ne pas avoir fermé l’œil, Pat dit que j’ai ronflé donc….
Nous descendons dans le hall, une vingtaine de cyclos attendent pour dormir car dehors c’est le déluge et nous repartons pour Fougéres. Etape qui m’a marquée, partir en vélo à 2h30 sous des trombes d’eau de quoi se poser des questions.
A l’approche de Fougéres nous doublons un cyclo qui s’endort sur sa machine, nous lui conseillons de s’arrêter mais en vain et quelques instants plus tard dans une descente je l’écoute chuter lourdement. Nous nous arrêtons pour lui porter assistance et je me rends compte que son état est sérieux, au moment où nous appelons les secours 2 motos officielles arrivent, nous leurs transmettons les faits et repartons (ce cyclo ne portait pas de casque).
Fougéres, petit déjeuner et nous repartons pour Villaines la Juhel, sur cette étape, j’arrive à faire boire un coca à Pat qui me remerciera pour ce breuvage très bénéfique à la digestion.
A Villaines nous sommes reçus comme des coqs en pâte, on nous porte nos plateaux et le repas est succulent. Celui-ci pris chacun de nous part faire un brin de toilette et plusieurs personnes me regardent avec étonnement me brosser les dents.
Eh oui ! J’ai emmené ma brosse à dents, quant on fait autant de km sous la pluie avec la tétine de la gourde qui ramasse toutes les impuretés de la route, je vous laisse deviner l’état de la bouche.
Et maintenant Mortagne en Perche, dure étape, la fin approche et les fesses commencent à faire mal car celles-ci sont de moins en moins irriguées dû à la position assise trop intense et à l’humidité qui n’arrange pas les choses.
Nous apercevons sur les hauteurs Mortagne, une spécialité sur le PBP, c’est de faire une maximum d’arrivées en haut d’une côte et bien sûr, la pluie est au rendez-vous !
Va ! On part pour Dreux l’avant dernière, dans une descente je perds ma cataye (éclairage avant) je fais demi-tour pour m’apercevoir qu’elle est complètement brisée et voila 50 € en éclat. Les routes sont en mauvaises état et j’ai l’impression que chaque gravillon me rentre dans les fesses. Après d' interminables lignes droites enfin Dreux, un repas 1h30 d’arrêt et c’est reparti pour la dernière. Et là j’ai crié « victoire » mais un peu trop tôt.
Prochaine étape Guyancourt, Gymnase des droits de l’homme 70 km à parcourir, tu parles ! Une petite sortie de dimanche matin sauf que j’oublié qu’on avait parcouru 1150 kms et près de 70 heures de vélo non stop, et les fesses me l’ont très vite rappelé résultat en danseuse pendant 70 kms. Notre 4ème nuit sur le vélo s’approche et la vigilance doit être de rigueur, les reflexes ne sont plus les mêmes.
A la sortie de Dreux nous formons un groupe d’une dizaine de cyclistes et chacun compte sur l’autre pour suivre les flèches indiquant le retour, ce qui devait arriver arriva, nous nous sommes perdus. Au même moment je me suis trouvé devant et j’ai mis un tour de manivelle là ou il ne fallait pas, ah ! L’engueulade, je me suis fait traiter de bourrin. Enfin la bonne route retrouvée l’allure plus réduite mais les kms qui n’en finissent pas. A un moment on nous annonce 25 kms, encore !
Dans la forêt de Rambouillet à une côte, certains descendent du vélo et Pat crie de toutes ses forces afin d’évacuer la souffrance ressentie, puis elle s’exclame ! C’est bien une spécialité cyclotouriste, une montée de 15% après 1200 bornes. On aperçoit les stigmates de l’orage, il y a des coulées de boue un peu partout, les cyclos qui sont arrivés sous ce déluge ont du être content d’arriver au gymnase des droits de l’homme. Et maintenant c’est à notre tour d’arriver il est 0h30 (4h30 pour faire 70 kms) quelques personnes nous applaudissent, nous pointons notre arrivée, Pat s’écroule de sommeil sur les gradins enroulée dans sa couverture de survie et moi je tourne en rond en pensant à un lit douillet qu’il n’y a pas. Je n’ai pas plus sommeil pour autant, je pars donc manger un sandwich et boire une bière. Je finis par m’allonger sur les gradins pour dormir un peu mais le froid me rejoint vite, Pat se réveille et je lui suggère de rentrer au camping, un petit déjeuner avant de partir et nous revoici sur les vélos pour cette fois ci la dernière du PBP2007.
[Texte : Jean François COURTINAT - Mise en page : Patricia - Photos : Patricia ; site officiel de Paris Brest Paris / rubrique Photos]