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PEREGRINATIONS
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PARIS BREST PARIS 2007

PARIS BREST PARIS 2007

 

 

 

 

PBP 2007, film en noir et blanc, VF (version française et féminine)

 

 

SUR LA ROUTE : protégée par Jeff ou seule
 

 

 

 

Pourquoi en noir et blanc ? Ben because, le noir de la nuit , le gris noir des nuages le jour, le noir de mon blouson imperméable porté sur la quasi totalité du parcours, le noir des villages traversés in the dead of night, le blanc des bandes blanches éclairé par mes lumières, le blanc des centaines de lumières qui s’agitent dans la nuit, le blanc translucide des gouttes de pluie dans les rayons de mes feux avant au fin fond de la nuit…donc PBP version noir et blanc. Mais attention, j’adore les vieux films en noir et blanc ! Jamais ils ne seront synonymes de nostalgie, monotonie, tristesse, ou lenteur pour moi. Non, bien au contraire…le noir et le blanc, au cinéma, c’est comme une épure. Et mon premier PBP, c’est vraiment cela, une épure. Réduction à l’essentiel, mon essentiel, et à l’essence de ma passion pour le vélo et ce mouvement qu’il induit et qui bouscule encore et toujours ma perception du temps et de l’espace.

Cette passion qui fait que je suis prête à ‘endurer’ quelques désagréments. La pluie, le vent de face, le froid, l’humidité envahissante, le mal à la selle, déchirant parfois, toujours tenace, le mal au genou, les quadriceps douloureux, le mal au dos, les pieds détrempés, la paume des mains douloureuse à force de prendre appui sur le cintre, la soif, la faim, l’inconfort, le manque de sommeil…..voilà, j’apure la liste de ce qui a fait mon quotidien sur ce PBP, au rayon sensations désagréables, mais il faut bien comprendre qu’une fois ces sensations ’objectivées’, je n’y suis plus revenue, je les ai domestiquées pour en faire mon ordinaire, pour en faire la toile de fond de mon PBP - à chacun son film après tout ! Et le mien, même en noir et blanc, ne devait rien emprunter au registre mélodramatique : tout ou presque s’est joué sur le rythme joyeux de la comédie musicale américaine….un remake de Singing in the Rain, quoi !!

 

Pourquoi un film ? Re-ben-because, PBP c’est aussi le film que je me suis fait de cette rando ‘mythique’ à force de lectures et d’attention portée aux propos des vieux de la vieille, ceux qui ont déjà plusieurs PBP à leur actif. Cela c’était avant le 20 août 2007. Puis du 20 août, 20h15, jusqu’au 24 août, 0h40 , il y a eu le vrai film, celui où j’ai tenu mon propre rôle, le rôle titre of course ! Pendant lequel toujours je me suis dit, oui, oui, c’est bien toi, Patricia, qui est là, sur ton vélo, à filer dans la nuit, aux côtés de Jeff, oui c’est vraiment toi, là, sur les routes du PBP, encore 700 bornes, plus que 300 Kms, pétard j’y crois pas il reste encore 25 bornes..je vais pleurer, je pleure, maman je veux dormir !

Tension permanente entre la réalité et la fiction donc, entre l’implication et la mise à distance……comme dans les films !

Comme dans un film, où je passais du monologue au dialogue en français ou en anglais, version toujours non sous-titrée, je prône l’immersion linguistique et cycliste,  à tous moments et souvent hors de propos…Et puis aussi, comme dans un film, parce que PBP cela a  aussi et surtout été l’abolition de mes repères temps habituels - moments raccourcis ou étirés à volonté, flash-back et leur contraire, zones d’ombre et gommages mais aussi mises en relief.

Enfin, un film, à cause de ce décalage entre ce que je vivais et ce que je ressentais. J’aurais dû souffrir, je ne l’ai pas fait.

Objectivement, les conditions météo n’étaient guère agréables, mais cela ne m’a guère gênée (voir plus haut pourquoi).

Objectivement toujours, la distance à parcourir est longue, c’est vrai, 1228 km, quand vous lisez ce chffre sur le papier, ça vous fait comme un nœud à l’estomac. Surtout, ne jamais plus se référer à cette distance une fois en route, oublier, ne pas penser au-delà du point de contrôle suivant, ne tendre que vers cet objectif à court terme, mettre le moyen terme et le long terme en berne, faire le deuil de ma capacité à me projeter dans le futur.  Mais au bout du compte, difficile de croire que tant de kilomètres ont été parcourus. A force de découper les 1228 km en tranches de 120 km, 100 km, 90 km, 85 km, 75 km, voire même 55 km, les distances s’effilochent, deviennent anodines.

Seules deux étapes m’ont paru ne jamais devoir se finir.  Carhaix-Brest et la toute dernière, celle qui nous a menés de Dreux au Stade des Droits de l’Homme (quel bel nom symbolique pour notre départ et notre arrivée !!). Comme par hasard, la der des der à l‘aller et au retour….lorsque le but était là , qu’il se profilait à l’horizon de notre temps et de notre espace,  puis disparaissait, plus rien, la nuit noire encore, celle qui t‘enveloppe à t‘étouffer, et les circonvolutions à n’en plus finir autour de Brest ou dans la vallée de Chevreuse - voilà quelque chose à travailler pour les longues distances à venir, apprendre à profiter de chaque instant, même des tous derniers, si élastiques !

A l’exception de ces deux étapes, jamais je n’ai  eu hâte d’arriver, j’étais bien sur la route, en mouvement, en devenir, pelotonnée dans notre monde de cyclos, monde réel mais aussi tellement décalé, un monde de fiction constamment recrée par nos histoires et récits d‘épreuves mythiques, de souffrances endurées et vaincues, d’ exploits passés ou à venir.  Un monde entre parenthèses, un monde entre Paris et Brest…..

Et puis, de toute façon, comment ne pas être bien sur les routes du PBP,  encouragée comme je l’ai été par des centaines de gens sur le bord des routes ou aux points de contrôle. J‘ai entendu le mot ’Courage‘ plus de cent fois, alors que je n‘ai jamais eu le sentiment d‘avoir besoin de courage, tout était si évident (forcément, une fois à Brest, y‘a plus qu‘à revenir, eh maligne !), et d‘une certaine façon facile - du coup me suis interrogée à maintes reprises « d‘ailleurs, c‘est quoi le courage ?! » .

Un immense merci à tous ces amoureux de vélo en Bretagne et ailleurs qui eux ont eu le courage de veiller une partie de la nuit, de nous faire des haies d’honneur à Loudéac, à Mortagne au Perche, à Guyancourt, et en tellement d’autres endroits, ou bien ont eu la générosité de nous proposer ce qu’ils avaient à donner, pour que nous nous sentions soutenus, admirés et aimés. Merci encore et encore, car je pense que tous ces supporters sont ceux qui font de PBP ce qu’il est, davantage que les cyclos - leur humanité est admirable……la preuve, les propos tenus par un canadien lors du petit déjeuner à Brest, qui n‘en revenait pas de l‘accueil rencontré, de l‘implication des enfants, de la gentillesse de la population, de cet intérêt pour les participants - il en était ému aux larmes lorsqu‘il m‘en a parlé.  Et pardon à tous ces animateurs (ces bonnes ’âmes’ ?!) de havres de fortune dressés pour nous sur le bord des routes et auxquels je ne me suis que rarement arrêtée, parfois poursuivie par des exclamations : « Une dame… s’il vous plaît, arrêtez-vous, nous n’avons pas encore eu de femme ! ».

Cette vague d’ enthousiasme m’a portée, supportée, elle a également transfiguré les heures et les jours passés sur mon vélo, j’en ai conçu de la fierté, j’ai été parfois envahie par l’émotion comme lors de mon arrivée à Villaines-la-Juhel, sur le trajet retour, lorsque j’ai vu ces rangs de spectateurs qui applaudissaient, serrés sous les parapluies. Et comme j’ai aimés ceux d’entre eux ou d’entre elles qui se pressent dès que tu descends de vélo, qui veulent savoir comment c’est, comment tu vas, qui veulent absolument te dire combien ils sont admiratifs et qui te regardent repartir avec l’envie du voyage dans les yeux - je referai PBP, rien que pour eux, c’est certain. Comme je le referai pour tous mes proches, famille, amis ou copains de club, qui ont suivi mon périple via le site de PBP et la page web de discussion de mon club de l’UC Creuzier où André se faisait l’écho de mes rapides coups de téléphone - Go Pat Go - quelle émotion lorsque j’ai appris combien ils s’étaient pris au jeu et lorsque j’ai lu leurs mails de félicitations ou écouté leurs messages, les larmes me sont venues, à postériori….jamais je ne me serais doutée que PBP aurait eu un tel effet sur eux. Cela me renvoie donc une drôle d’image de ce que j’ai fait, de ce que tous les Paris-Bresteurs ont fait….quelque chose proche de l’exploit, en un mot. Et cela me fait me sentir comme une usurpatrice en quelque sorte, puisque je n’ai pas eu, et n’ai toujours pas, l’impression d’avoir fait quelque chose hors du commun. Après tout, le PBP c’est surtout une affaire de préparation, d’entraînement, du nombre de Kms engrangés (12 000 km depuis début janvier en ce qui me concerne), d’envie, de motivation, de concentration…et de mise à distance ! Cela s’est révélé d’autant plus facile pour moi que mon occupation professionnelle me laisse beaucoup de temps libre (vive l’enseignement !), que jai bénéficié d’un mois et demi de vacances avant de prendre le départ (et que je bénéficie de 10 jours de récup post PBP avant la rentrée !!) et que j’ai donc pu peaufiner ma condition physique et sportive à loisir cet été ! Donc la notion d’exploit ou performance à admirer me paraît plutôt décalée pour mon PBP !!

 

Mais il n’en demeure pas moins que cette expérience m’a projetée dans un hors-temps difficile d’accès dans le train train de nos occupations ou sorties cyclistes quotidiennes.  Ce hors-temps, spatial et temporel,  qui me fascine tant. Et là l’aventure fut royale….même si PBP est sous le paradoxe du hors temps découpé en tranches de durées bien réelles, en étapes d’un point de contrôle à un autre, d’une longueur moyenne de 85 km, les noms des villes étapes prennent vite les accents des lieux si chèrement désirés que tu te récites aux heures creuses de la nuit, Mortagne au Perche, Villaines la Juhel, Fougères, Tinténiac, Loudéac, Carhaix, Brest, Carhaix, Loudéac, Tinténiac, Fougères, Villaines la Juhel, Mortagne au Perche, Dreux…..Ce sont des noms à jamais gravés dans ma mémoire, de ceux qu’il me suffira d’évoquer pour qu’une cohorte d’images et de sensations proustiennes se lèvent en moi, alors que j’aurais difficilement pu en citer plus de deux quelques 10 heures avant le départ du PBP. Les noms des villes étapes comme manifeste poétique !

Mais entre ces noms jalons, pas de faits précis (paroles, visages, tout s'estompe et se fond dans le hors-temps !), que du ressenti - à chaque fois, j’ai comme quitté les paysages parcourus, les villages traversés, pour ne plus épouser que mes mouvements internes lorsque j’étais seule ou en décalage avec mes compagnons de route ou avec Jeff, mon fidèle co-équipier. L’espace s’est donc souvent réduit à mon intériorité, mon regard s’est inversé - de l’extérieur vers l’intérieur, afin de puiser à la source d’énergie, de vie, celle qui nous anime tous - et lorsque j‘ai réussi à me blottir confortablement dans ma bulle intérieure, le temps a alors perdu toute existence….moments magiques que j‘aime entre tous. Bien sûr, la nuit offre un cadre idéal pour ce genre de recentrage, mais le jour également, d’autant plus lorsque les conditions météo sont ce qu’elles furent !

Nous sommes des milliers à avoir ressenti quelque chose de similaire, je suis sûre, car nombreux sont les témoignages indiquant que les jours après l’arrivée à Guyancourt paraissent étrangement ternes et gris, comme vidés de toute substance. Pas étonnant, nous voilà de retour dans notre vie aux contours souvent trop bien définis….

 

 Un des autres aspects de PBP et de ce que cette randonnée peut faire pour nous : elle nous ouvre une multitude de possibles. Si tu as fait ça, alors tu peux faire autant ou  plus encore.

PBP est un voyage, un vrai voyage, dans tous les sens du terme. Et c’est probablement le plus beau compliment que je puisse adresser à une épreuve cycliste. Longue vie à  Paris Brest Paris….et en avant pour ces autres randonnées au très long cours organisées partout dans le monde, souvent sous le label Audax,  et toutes les découvertes qu’elles nous réservent - déjà André et moi lorgnons du côté de Londres Edimbourg Londres en 2009. Mais avant, il y aura bien d’autres étapes !

Voilà ma plus belle victoire : arriver au terme de mon premier Paris Brest Paris en n’ayant qu’une seule envie  - le refaire dans 4 ans, et d’ici là porter mes roues vers d’autres « défis » ! PBP sera probablement le sésame de mes plus folles ambitions cyclistes.

 

 

Je crains que certains d’entre vous ne trouvent l’absence de détails et infos pratiques plutôt décevants, après la lecture de mon CR (si du moins vous êtes parvenus jusqu’à ces lignes !)….et je les prie de m’en excuser, mais ce n’étaient pas vraiment le genre de choses dont j’avais envie de parler….une autre fois peut-être !

Voici cependant plusieurs données factuelles sur moi-même et mon PBP, à titre informatif :

- 51 ans ; ai débuté le vélo il y a 10 ans (première sortie de 15 km, une agonie !) ; progression lente (qui va piano va sano) et découverte cyclosport il y a 8 ans (petits parcours puis très vite longs parcours) ; depuis 2 ans, participation à des courses Ufolep et CLM également ; plus de 10 000 km annuels depuis 4 ans seulement ; pratique cyclotouriste et cyclosportive (appartenance au DH Vichy FFCT et à l’UC Creuzier Ufolep)

- préparation du PBP : 12 000 km depuis janvier 2007 ; quelques courses Ufolep en mars/avril pour le rythme ; Flèche Véloccio en avril ; les brevets qualifs effectués avec mes copains de Gannat et Vichy ; participation à la Look, Clermont Aurillac Clermont et à Lyon Mont Blanc Lyon (mai et juin) ; en juillet : séjour dans les Pyrénées, avec sorties quotidiennes + Etape du Tour et la Pierre Jacques (Barétous) ; août : semaine fédérale à Périgueux (1 000 km en 7 jours)

- PBP : mon vélo : un CKT, cadre carbone (aux alentours de 9 kg) équipé de roues Ksyrium Elite, avec un compact 50x34 et une cassette 12x23 (combinaison parfaite pour moi…mais à noter que j’ai faitla plus grande partie du trajet sur PP, puisque genou droit douloureux dès le mardi matin !).

Effectué sans assistance, sacoches avant et arrière (entre 10 et 12 kg de bagages) - en fait, ai emmené beaucoup trop de vêtements, de boisson de l‘effort et de récup, de barres ou pâtes de fruits ou même de pharmacie (crèmes en tous genres, par exemple !) : probablement pour évacuer mes angoisses, et pouvoir me dire que je pouvais faire face à n‘importe quelle situation (me suis débarrassée de nombres d‘entre elles au fur et à mesure de ma progression) ; deux feux avant fixés sur une barre soudée sur le haut de mon support de sacoche avant (Cateye EL 350) - éclairage parfait (il m‘a suffi de changer les piles  après chaque nuit), un feu arrière ;

 

Compte tenu des conditions météo annoncées, avions décidé avec Jeff de ne surtout pas nous séparer sur tout le trajet, et bien nous en a pris , même si le fait d’être deux entraîne des arrêts plus nombreux et plus longs ou des étapes parcourues à des vitesses supérieures ou inférieures à ce que l’on réaliserait seul/seule….sans parler de la richesse humaine à vivre une telle expérience à 2 (et toutes mes excuses Jeff, pour les quelques mouvements d’humeur que j’ai pu avoir…..notamment dans le labyrinthe entre Dreux et St Quentin !)

 

Durée de notre périple : 76h25, dont environ 22 h d’arrêts multiples et divers : cafés trouvés en route (lorsque trop froid ou trop mouillés ou trop sommeil), pharmacies (pour achat Rénutryl),  arrêts pipi ou déshabillement/habillement, contrôles, restauration aux points de contrôle presque systématique, 2 arrêts longs à Brest (repas complet + douche + sommeil 1h30 sur lit de camp + massages/étirements + petit déjeuner et bavardages !) et à Tinténiac sur le retour (même modus vivendi qu’à Brest….douches et dortoirs étant du plus grand luxe après ceux basiques mais ô combien charmants de Brest !) - un constat : la perte de temps aux contrôles est vraiment très importante, le restaurant, les toilettes, les douches et dortoirs, sont souvent loin les uns des autres (et pas toujours faciles à trouver)…d’autant que marcher avec des chaussures de vélo n’est guère synonyme de rapidité ; un autre constat : le mieux pour nous était de prévoir repas, douche et dodo en fin de soirée et de repartir vers les 1h30-2h du matin, c’est ainsi que j’ai eu le moins de trous de forme. Donc seulement 3h de sommeil au total sur tout notre périple (j’en suis encore ébahie d’avoir pu fonctionner avec si peu, moi qui suis une grosse dormeuse)…mais dès que j’eus pointé à l’arrivée à Guyancourt, je me suis effondrée sur un banc des gradins de la salle, incapable de rester éveillée ne serait-ce que 5 mns de plus (il m’a d’ailleurs fallu 5 jours pour vraiment récupérer mon retard de sommeil)

 

(Texte et mise en page : Pat]

 

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