Le RPE est né en 2004 et cette année-là 3 fuchsias ( Patricia, Claude et moi ) s'alignaient sur le RPI, bon il n'y a qu'une lettre à remplacer mais faut rajouter 340 bornes et des tas de mètres de dénivelé. En effet 2 épreuves étaient organisées en même temps par Patrick François et son équipe, le RPE : Raid Provence Extrême avec ses 620 klms et 8 000 m de dénivelé et le RPI : Raid Provence International 285 klms et 3800 m de dénivelé, le petit parcours …!!! en somme. L’une se déroulait sous le label cyclosportif tandis que l’autre sous celui de l’ultra distance, un long … CLM en quelque sorte.
On était presque tous attablés en train de se restaurer devant une succulente paella quand arriva le dernier concurrent du RPE, un allemand. C’est avec de grands yeux que nous vîmes celui-ci descendre de son vélo, en effet avec l’aide de deux personnes il tenait à peine debout, ses jambes tremblaient, plus aucune force, il était allé jusqu’au bout du bout. Et en remarquant son autocollant sur son cadre où était inscrit RATA, l’ultra la plus dure sur le circuit européen, ma première réflexion : « jamais je ferai ce truc là ` »
Le RPI étant mort né, l’organisateur ne pouvant assurer les deux épreuves en simultané, le RPE fit son bonhomme de chemin avec quelques retouches. Ce sera 642 klms et un peu plus de 11000 m de dénivelé qu’il nous proposera en cette année 2007.
C’est fin mars que je décidai sur un coup de tête de m’y engager, encore fallait-il qu’une personne veuille bien me servir d’assistance car celle-ci était devenu obligatoire en 2007. Patricia se dévoua et pour assurer les relais en conduite de nuit Jean-Yves ( un ancien fuchsia qui fait un break vélo en ce moment ) était près à l’accompagner
Sur place à St Rémy on constatait un bruit inquiétant dans le moteur du berlingo pourtant révisé la semaine avant dans un garage Citroën.
Le briefing, la veille, était axé sur le règlement et le parcours, celui-ci devait subir quelques modifications suite à des travaux et tout ceci traduit en anglais par Patrick François. En effet si l’épreuve n’attire pas beaucoup d’amateurs c’est une dizaine de nations qui seront représentées sur ce RPE 2007.
Départ fictif de St Rémy jusqu'à Bédoin tous groupés, on est à peine 40, le temps est déjà à l'orage et le vent commence à souffler. Les véhicules d’assistance ont ordre de se rendre directement au départ réel pour ne pas encombrer les 57 klms de routes qui séparent ces deux villes. Ce seront les seuls klms où je verrai les cuissards des costauds.
Vers midi on s'élance sur les pentes du Ventoux noyé dans de gros nuages noirs, dans le petit col de la Madeleine une dizaine de gars se détachent de mon groupe. Connaissant bien ce côté du Ventoux ce sera un indicateur pour la suite du parcours, d’emblée les cannes répondent bien, je m’aperçois que je suis en train de décrocher Jean-Michel et Alain. Alain est présent chaque année sur le RPE, je ferais mieux de me calquer sur lui, en plus il connaît le parcours, tant pis ça tourne bien, je ne calcule pas, j’avance, c’est l’occasion dans cette montée aux photographes d’actionner les flashs, Patricia s’en donne à cœur joie, tiens ! les flashs ???, il est 13h !!! En effet plus on approche du sommet et plus l’orage se fait menaçant, de la grêle recouvre les bas-côtés. Entre temps Guido l’Allemand m’a doublé, je trouve qu’il va bien vite, je le repasserai sur la fin. Il reste à peine 100 m avant d’atteindre le Mont Ventoux quand une averse de grêlons s’abat sur nos casques. Patricia et Jean-Yves ne sont pas loin, je me glisse dans le berlingo. J’en profite pour me restaurer et je m’équipe pour redescendre. L’attente aura duré une bonne vingtaine de mns. Où sont mes repères ? Guido, Jean-Michel, Alain…se sont-ils arrêtés ? Sont-ils devant, derrière ? Pendant notre arrêt nous avons aperçu Anne qui elle n’a pas hésité à braver les intempéries. Anne le fait avec Elisabeth en duo, elle m’impressionne, elle redescend aussi sec ( enfin ce ne devrait pas être le terme..) en cuissard court et un coupe vent, je la reprends un peu après tout en guidonnant, c’est une vrai tempête de l’autre côté du Ventoux, on a déjà mesuré des pointes à 220 klm/h sur les hauteurs, il faut assurer jusqu’au Chalet Reynard, ensuite ça devrait se calmer. Le cintre s’est stabilisé je peux appuyer sur les pédales. Tiens Gaby qui sort de sa voiture, il s’apprête à repartir. On se retrouvera au premier contrôle à Aurel. Entre temps mon assistance s’est égarée, elle a sûrement mangé la petite route sur la gauche mais Patricia connaît le coin et elle me rejoint à Aurel, l’esquimau enlève sa moumoute et redémarre avec Gaby et Elizabeth qui prend le relais d’Anne . En étudiant le parcours sur la carte les jours précèdents je m’étais mis en tête que la partie qu’on allait aborder serait la moins dure, et oui, le mistral souvent présent dans la région aurait du nous pousser jusqu’aux portes du Verdon sans donner un coup de pédale, macache, un vent contraire à lever le cul de la selle par moments et comme pour corser l’affaire deux cyclistes qui m’escortaient mais pour des prunes car le règlement de l’ultra interdit de jouer le stayer. La progression s’est faite côte à côte la plupart du temps, par moments je relevais pour me situer à une cinquantaine de mètres en profitant de l’orientation qu’ils décidaient avec leurs assistances mais après deux hésitations à des carrefours ils ne connaissaient pas plus que moi le parcours. Au 2ème contrôle alors que Gaby et Eliza avaient loupé la flèche à droite, je signe vite ma feuille et je fonce droit devant histoire de pédaler seul …Seul je le suis vraiment, car après qqs coups d’oeil derrière, où sont passés Eliza et Gaby ? Et Le berlingo ? Ah !
enfin, le voilà… « Tu t’es trompé de route … » . Je suis un peu dépité, j’ai du faire 5/6 bornes sur une autre route, ça chauffe un peu dans la bagnole, restons calme, coup de fil à Patrick celui-ci nous indique une petite route à prendre pour retrouver le bon itinéraire, je la ferai dans le véhicule avec son autorisation tout en maugréant après tout, moi le premier… Au carrefour des deux routes, je vois au loin deux cyclistes avec leurs assistances, je reconnais Guido et Jacky Deconihout, finalement je suis dans la course, moi qui croyais être à la rue. Mais après coup qd je constate les temps intermédiaires Gaby me prend 24 mns entre Banon et Valensole. Le plus inquiètant c’est ce bruit dans le moteur du berlingo. On approche du Verdon, enfin, dirais-je, car cette partie a été très pénible, hésitations, erreur, vent dans le nez…heureusement, le vélo ça calme. Avant Moustiers, Patricia veut faire le plein du véhicule, ils ont peur de tomber en panne de …gas-oil…Je me retrouve un moment seul à admirer le coucher du soleil sur le lac de Ste Croix, là j’oublie tout…Tiens voilà mon char d’assaut, ah ben si on le voit pas au loin on l’entend bien, quel contraste, une nature si pure, reposante et d’un calme avec mon berlingo fumant par le pot d’echappement des gaz polluant, et ce bruit de plus en plus prononcé. Aiguines nous accueille avec les lampions allumés, moment où une bonne restauration s’impose, on y retrouve Guido et son équipage. Je repars avant eux et les jambes répondent pas trop mal. J’attaque les premières descentes et je n’ai toujours pas les phares de mon véhicule, manifestement il a du mal dans les bosses. Je vais attendre pour avoir un peu de lumière, ma loupiote d’appoint n’est pas suffisante, un renard et des chevreuils ont traversé devant moi, c’est pas le moment de s’étaler. Entre temps sur le versant opposé c’est un ballet de gyrophares que j’ai vu défiler, à qui appartiennent ces véhicules ? Igor, Alain, Jean- Michel…Hugues est sûrement déjà passé avec Laure and co, ils vont signer le doublé, il n’y a pas de doute…A mon tour d’effectuer la boucle, je m’attends à du pourcentage, je l’avais faite deux fois dans l’autre sens et je me souviens bien d’une partie rapide. La nuit nous aide bien par contre de ce côté-là, on ne sent pas trop la pente, j’avance sur une bonne cadence, j’attaque la descente et demande à Jean-Yves qui a pris le volant de me suivre au plus près mais hélas il m’annonce qu’il n’a plus de frein moteur, les virages se font dans l’obscurité au ralenti. La Palud 5ème contrôle, Guido arrive peu de temps après moi et on nous annonce qu’il n’y plus personne derrière nous. Ce sera un autre challenge désormais, en plus de finir j’aimerais le faire avant le dernier…Après un bon massage énergique de Patricia et la collation je me sens d’attaque pour continuer. Dans la bosse après Moustiers, l’assistance de Guido me dit que ma voiture est kaput, je fais demi-tour et constate les dégâts, elle fume de plus en plus Jean-Yves a le pied au plancher et on monte à 10 à l’heure. Avant Puimoisson la décision est prise j’essaie de rester avec l’assistance de Guido pendant que j’abandonne la mienne à son triste sort. J’ai le moral dans les chaussures mais je vais essayer de me reconcentrer. On avance Guido et moi côte à côte. Il est légèrement plus fort sur le plat mais sur les qqs talus jusqu’à Oraison il recule un peu. J’ai des nouvelles au contrôle de Patricia et Jean-Yves qui sont en attente d’un véhicule d’assistance pour faire la mienne …Les Allemands décident de faire une pause sur une place, je m’y plie. On repart dans la mauvaise direction et on se renseigne auprès de quelques noctambules. Nous voilà enfin de l’autre côté de la Durance, et au premier panneau indiquant St Etienne les Orgues je me sens soulagé car je connais le reste du parcours. Soulagé mais avec un coup de moins bien, je dois laisser filer Guido, il a fondu dans la nuit depuis un moment quand j’attaque la montagne de Lure. Je suis présomptueux quand à l’attaquer, disons que je m’y engage en pensant à quelque chose de chaud qui m’attend au contrôle tout là-haut. Le compteur ne s’affole pas, un seul chiffre m’indique ma vit…lenteur. J’arrive quand même à dévisager Mark qui s’est arrêté, il n’a pas l’air au mieux. Je n’ai pas la force de lui lancer une bafouille, j’aimerais me renseigner auprès de son assistance mais si je m’arrête je ne repars plus. Dans ces états on a plus la force de quoi que ce soit, même d’abandonner…!!! Au sommet c’est le désert, ils sont partis me dis-je, je suis éliminé sans doute, tant pis je finis sans le temps et le classement. J’aurais préféré çà plutôt que d’apprendre la triste nouvelle par la suite. En effet un bénévole était décèdé d’une crise cardiaque. Il fait froid, il pleuvine un peu et je bascule avec mes gants courts, genouillères…C’est pas la Bonette 2006 ( pour ceux qui connaissent…) mais il est 7h du mat et ce sont des moments souvent délicats quand on a passé la nuit sur le vélo. C’est pas le moment de s’endormir, ça file vite tout de même, un virage serré me rappelle à l’ordre, un deuxième…Dans une partie rapide un sanglier traverse devant moi, je flippe. Avant d’attaquer la vallée du Jadron un véhicule est arrêté avec Anne à ses côtés, elle me rencarde sur le calvaire de Mark son mari qui finira tout de même l’épreuve. Merci Mark, tu m’as permis de réussir mon challenge…, mais je sais que tu n’es pas à ta place, tu nous le prouveras bientôt. Avant de repartir Anne m’a annoncé que le Ventoux sera remplacé par le col des Abeilles, ma foi c’est toujours bon à prend….à laisser plutôt. Les barres énergétiques qu’elle m’aura données ( merci encore Anne ) m’aideront à passer le col de l’homme mort le bien nommé…J’attaque à peine l’autre côté qu’une voiture s’arrête dans l’autre sens ce sont Claude et Evelyne accompagnés de Dany et Yves des copains cyclistes en vacance dans le coin. En relation téléphonique avec Patricia, ils sont venus à ma rencontre et me suivront jusqu’à Sault, le moral est revenu ainsi que le coup de pédale. Je sais que je finirai l’épreuve avec Patricia et Jean-Yves qui m’attendent à Villes sur Auzon avec un véhicule de prêt. On est tous contents de se retrouver, le soleil est même avec nous pour terminer ce RPE 2007. C’est accompagné d’Anne et Elizabeth que je passe la ligne, Patrick François est présent pour nous accueillir.
André