Mon groupe de Vélo de Montagne CAF a plusieurs cordes à son arc. La randonnée en raquettes est l'une d'entre elles.
Aussi lorsque Mado nous avait proposé de nous joindre pour quelques jours aux résidents de la , aux Hières, petit village montagnard à presque 1800 m d'altitude dans les Hautes Alpes, nous avions été plusieurs à ne pas hésiter une seconde !
Je ne connaissais ni Les Hières, ni Les Terrasses, ni , ces villages étant à l'écart de l'agitation de La Grave, comme retirés dans leur vallon au pied du plateau d'Emparis.
Et surtout je ne savais encore rien de la fascination que (3984 m) a le don d'exercer sur qui la contemple trop souvent, ou trop longtemps.
Depuis, je sais. Et ai bien du mal à me soustraire à cette emprise - mais est-ce nécessaire ?
Le pic de la Meije, versant nord
Nous avons tous - Claude, Eliane, Florence, Cécile, Marie Chantal, Mado et moi - passé des moments inoubliables dans cet écart de l'Oisans. Dans ce paradis enneigé, ensoleillé, à l'azur d'un bleu surréaliste sur lequel se découpent ces arêtes formidables. Ce fut une parenthèse magnifique !
Situation géographique des Hières
Sublime cliché de Marie-Chantal : voici ce qui nous attendait au sommet.
Jour 1 - lundi 16 février
Nous retrouvons Claude et Eliane à Genay. Après un café, nous prenons la route direction La Grave, puis le petit village des Hières, inconnu du quatuor que nous formons.
Lorsque nous arrivons à Bourg d’Oisans, très tranquille en fin de matinée, le brouillard et les nuages cèdent enfin la place à de beaux morceaux de ciel bleu ensoleillé - tendance qui se confirme au-delà de nos espérances lorsque nous débouchons de la montée en lacets qui nous amène aux Hières, à flanc de montagne.
Beau clocher, maisons anciennes de pierre avec encore quelques étables, toitures toutes de gris foncé, ruelles escarpées qui forment un entrelacs de coursives enneigées, voire verglacées, entre les habitations - Les Hières nous séduit au premier coup d’oeil.
Et que dire du sublime panorama sur la Meije, de la blancheur de son glacier et de ses parois rocheuses saupoudrées de neige ? La scène est de toute beauté sous le soleil.
Nous voici accueillis à la maison familale La Romanche, par Marthe Marie et son époux. Puis survient Mado, qui nous fait faire le tour des lieux communautaires, nous sommes une soixantaine de résidents cette semaine, dont la moitié d’enfants ou adolescents - nous avons nos logements dans un gîte un peu plus haut dans le village, mais prendrons nos repas à la maison familiale.
Pour l’heure, nous dégustons notre pique-nique sur la terrasse, les regards rivés à la Meije, si proche, si haute, si majestueuse. Claude nous en fait les présentations : le Bec de l’Aigle, le refuge CAF de l'Aigle, les arêtes de la Meije, la Meije orientale, le Doigt de Dieu, le Grand Pic à 3982 m d’altitude, la Brèche de la Meije et plus loin la montagne du Râteau. Marie-Chantal éprouve comme un vague-à-l’âme, le souvenir des heures exaltantes et magiques passées à se hisser sur des parois vertigineuses la laisse en proie à des émotions contradictoires - bonheur d’avoir pu vivre de telles expériences, douleur de ne plus pouvoir les vivre.
Après avoir pris possession de notre gîte, nous décidons de nous rendre au Chazelet à pied. Il est un peu trop tard pour une sortie raquettes, mais marcher nous fera du bien après la matinée voiture. Nous traversons les bourgs de Ventelong (qui mérite bien son nom !), puis celui des Terrasses avant d’arriver sur le village de Chazelet, blotti au fond de son vallon. Les skieurs sont nombreux, sur les pistes des deux versants nord et sud, mais la station reste très familiale et donc très agréable ! Nous attendons que l’épicerie ouvre ses portes, mais en vain - pas grave. De retour à La Romanche, nous retrouvons Florence et Cécile, croisées un peu plus tôt dans l’après-midi alors qu’elles remontaient en voiture de Vilar d’Arène, où elles avaient fait du ski de fond - elles venaient d’éprouver une forte frayeur lorsque leur véhicule était parti en glissade totalement incontrôlée sur une plaque de verglas, dans un virage…..décision prise, Flo allait s’équiper d’un train de pneus neige pour la saison prochaine. A suivre !
Situation géographique du Chazelet
Au-dessus de la station du Chazelet
Jour 2 - Mardi 17 février
Les choses sérieuses commencent. Notre petite troupe prend la direction du Chazelet. Là nous chaussons les raquettes, et hop en piste !
Le point à rallier se nomme le Gros Têt, tout à fait charmant, non ? Les skieurs descendent, nous grimpons la pente un peu trop raide à mon goût.
Bizarre, les cops ne semblent éprouver aucune difficulté, elles tirent des bords dans la pente, leur planter de bâtons impérial vient rythmer leurs longues enjambées calmes et sereines, leur respiration se fait tranquille.
Alors pourquoi dois-je me battre avec mes bâtons, avec mes raquettes, avec mes chevilles, avec mon souffle, avec la pente, avec la neige ?
Ah ben, ça alors, c’est quoi cette histoire ?
Les bâtons s'enfoncent à chaque planter - évidemment je n’ai pas pensé une seconde à mettre les rondelles !
Mes raquettes glissent sur les sections verglacées, mes chevilles se tordent lorsque la neige s’enfonce sous mes raquettes - mais c’est quoi ce binz ?!
Il me faut aller tout droit dans la pente, impossible de tirer des bords tellement les chaussures me blessent.
Ah ben ça va être coton à la descente ! C’est du pur plaisir en barre qui m’est promis.
J’ai le palpitant qui grimpe, grimpe dans les tours. Evidemment, l’indécrottable des plaines que je suis n’est pas encore habituée à l’altitude.
Et nom de nom, quelle chaleur ! Je fais 4 ou 5 pas - enfin, plutôt je titube 4 ou 5 fois de suite, et dois m’arrêter pour retrouver mon souffle. Délirant ! Les skieurs doivent se marrer en me voyant, et se féliciter d’être à skis.
D’ailleurs, je me demande vraiment ce que je f….sur ces raquettes, avec ces bâtons qu’il me faut arracher de la neige à chaque enjambée.
Sûrement la plus grosse des erreurs de casting jamais commise !
Et la Meije qui me fixe de son regard brillant et narquois - je peste.
Je vacille, mais heureusement ne romps point. Je me souviens à temps que j’ai bien de la chance d’être là, dans un tel décor, à en baver des ronds de chapeau.
Enjoy!
Je rejoins les cops pour une première pause. Et vous fais grâce de la suite de la montée, jusqu'à un peu plus de 2500 m d'altitude. Nous comprendrons beaucoup plus tard que mes raquettes sont destinées à la plaine et non pas à la montagne, et que donc tout s’explique : matériel inadapté, galère obligée.
Mais alors ils faisaient comment au siècle dernier lorsque les raquettes étaient en bois et en lanière de cuir ? D'ailleurs, c'est quoi l'histoire de la raquette à neige, hein ? Bingo, ces instruments de torture nous viennent d'Amérique ! Les Amérindiens les utilisaient déjà au début du 17° siècle - pense donc que les premiers colons français n'ont pas tardé à les imiter !
Amérindienne chaussée de raquettes
Quant à la descente, elle fut d’anthologie - pas prête de l’oublier, celle-là ! D’autant que j’ai tenté d'appliquer le judicieux conseil donné par Claude, alors qu'il me dépassait avec élégance et célérité sur ses skis de randonnée - 'aaargh keep calm', de tirer droit dans la pente.
Cécile, qui n’a pas voulu me laisser seule, s’est montrée d’une patience exemplaire, la pauvre. Marie Chantal, esseulée dans une portion fort abrupte, se souviendra elle aussi de quelques moments tendus. Pas facile les raquettes sur la neige dure ou verglacée - les freins manquent cruellement, surtout lorsque les quadris sont explosés par les efforts déjà consentis !
La journée a malgré tout été grandiose !
Pique-nique en chemin, ascencion du Gros Têt pour Claude, Eliane et Flo. Cécile, Marie Chantal et moi nous sommes contentées du Petit Têt et avons profité de quelques instants de repos ensoleillés, devant un panorama tous azimuts à couper le souffle. Et puis bien sûr des ‘piailleries’ et rires à n’en plus finir !
L’est trop belle la vie, même avec ces stupides raquettes aux pieds !
Tracé et courbe de dénivelé
En chemin pour le Gros Têt
Pause avant d'attaquer la descente
Jour 3 - Mercredi 18 février
Notre groupe se fragmente !
Les costauds que sont Claude, Eliane et Cécile chaussent raquettes ou skis de randonnée, et attaquent avec allégresse une combe à la pente très drue, en direction de la Celle des Juges, au sortir du village. Leur objectif est le Signal de la Grave. Ils vont trouver un vent renversant tout là haut….et un aigle qui va tournoyer au-dessus d’eux avec insistance. Que de rencontres en montagne ! Le trio à fière allure a pu se déplacer à une allure convenable, sans avoir à attendre le maillon faible que je suis. Ils reviendront de leurs hauteurs les yeux brillants et encore pleins de l'mage de cet aigle majestueux, compagnon de quelques instants.
Flo chausse les skis de piste et s’en va au Chazelet - quelle polyvalence ! La veille elle était en raquettes, à nous mener bon train, et l’avant-veille sur ses skis de fond.
Evidemment, après ma journée ‘épique' du mardi, je marche avec lenteur et raideur - rarement eu de telles courbatures musculaires dans les jambes, en fait je peux à peine descendre ou monter des escaliers. Le vélo ne prépare pas à tout - et Dieu merci, je fais du trail. Sinon je serais transformée en bout de bois incapable de sortir de son lit !
Avec gentillesse, Marie Chantal et Mado se dévouent pour égayer mon désespoir, et flanquées de Jean-Dominique, nous partons sur le chemin de Valfroide. Il va sans dire que je ne suis pas chaussée de raquettes, mais de chaussures de marche ! La neige est gelée, glissante et la consigne est de rester vigilante. Quel régal, ce vallon de Valfroide, avec ses hameaux aux maisons de pierre fermées, désertés pour l’hiver, et disséminés ça et là sur la ouate blanche des pentes de la Côte Lombarde. En été, ce chemin fort fréquenté par les randonneurs permet d’accéder au lac du Goléon et au refuge éponyme. La balade du jour se fait sur un rythme de croisière : discussions, bavardages, rires, photographie, rencontres, et pauses multipliées à l’envie. Le vent se renforce et nous prenons abri au Plot, après avoir péniblement longé le torrent de Chasse sur une centaine de mètres ascendants. Difficile d’aller plus en avant sans être équipées de raquettes !
Demi-tour donc. Nous pique-niquons dans le hameau de Pramailler, Mado nous conte ce qu’elle sait de ce vallon. Et bien d’autres choses encore !
Bois et pierres à Pramailler - En direction de Valfroide
Retour à notre gîte, synchronie parfaite avec notre trio de costauds. Puis direction le bar de Ventelong, pour un café en terrasse, en face de la Meije éclaboussée de soleil, merveilleuse de blancheur et de noir, et aux reflets de glace. Nous la dévorons des yeux ! Puis ce sera un bon bock de bière, entre copains, au chaud ! L’est pas belle la vie ? Ok je sais, je me répète.Ah mais là, justement, il nous faut speeder un peu et remonter dare-dare à La Romanche car notre quintet hilare est de tambouille ! Au boulot, les aminches, y’a pas que le fun dans la vie !
Au programme : faire cuire une potée pour 60 personnes, préparer l’entrée et le dessert en accompagnement de la potée, et le repas de midi du lendemain - paupiettes de veau, salade et crudités diverses. Bref, nous avons passé 5 heures très chaudes, et vibrantes, en cuisine, sans catastrophe majeure - nous pouvons même être bons quand nous voulons. Vraiment sympa cette formule communautaire ! Cerise sur le gâteau : les convives de La Romanche ont semblé apprécier la potée, même trop selon les dires de certains le lendemain, so just perfect!
Mais nous étions contents de rejoindre nos chambres, un peu plus tard dans la soirée, une fois la cuisine propre et nettoyée.
Et voici l'équipe CAF au boulot en cuisine !
Situation géographique de Valfroide
Claude, à l'Aiguillon - occupé à lire le journal ?
Jour 4 - Jeudi 19 février
Le lendemain, notre groupe se reforma pour une excursion raquettes. Direction Valfroide de nouveau, puis l’Aiguillon sur le versant nord faisant face à Valfroide. Flo partie sur les pistes de ski fut remplacée par Isabelle, praticienne fervente de
la méthode de Feldenkrais. Nos conversations gagnèrent donc en sérieux et érudition, du moins par intermittence ! Et comme Claude m’avait prêté ses raquettes et ses bâtons, je ne m’aperçus guère des efforts à fournir pour monter jusqu’à l’Aiguillon (2059 m d’altitude). Là-haut, nous déposâmes sacs et raquettes, et avons pique-niqué au soleil, sans un souffle de vent. Le panorama était bien sûr magique ! Nous avons profité de ces moments à plein, sachant qu’il nous fallait ensuite reprendre le chemin de la vallée. Mais avant cela, nous avons pu observer à la jumelle une harde de chamois prenant un bain de soleil dans les pâtures dénudées de leur manteau de neige par les vents, en-dessous de l’Aiguillon. Quel superbe cadeau d’adieu !
De même que les souvenirs de franche camaraderie, d'amitié, que nous emportons avec nous. Ainsi que les splendeurs d'images emmagasinées dans notre mémoire.
Et ces rêves qui me parcourent depuis.
Bientôt le printemps sera là, et le retour de notre activité Vélo de montagne - ah ils vont en baver les copines et copains, après m'avoir fait endosser le rôle de 'Bécassine à la montagne' sur ces satanées raquettes !
Oyez, oyez, je vous le dis, les chemins et sentiers du pays crestois, en avril, ne vous seront pas de tout repos !
Bon je vous quitte, faut que je me replonge dans 'Le roman de Gasapard de la Meije' avant d'aller roulailler - premier jour où cuisses et mollets ne se rappellent pas à mon bon souvenir à chaque mouvement - dans les Pierres Dorées.
So long, et un énorme merci à Mado, et ses soeurs, et yessss à vous tous aussi !!!
Et voici le diaporama de fin à ne pas manquer !
pour visionner le diaporama des clichés pris par Claude.
pour visionner le diaporama des clichés pris par Marie-Chantal.
Merci à vous deux pour cette mutualisation !
Ma pomme ! Un grand merci Marie-Chantal pour toutes ces photos de moi en mode 'néophyte raquetteuse' totale !